résumés
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F. Gallix, V. Guignery, P. Veyret : Interview of Kazuo Ishiguro |
Résumé des articles/abstracts of articles
P. 23. Digressions, palimpsests and nostalgia in An Artist of the Floating World (Ch. Évain).
Digressions in An Artist of the Floating World stage the random trail of thoughts of an old man coming to terms with his past. Memories arise through "dissolve" scenes where time is represented in the form of "liquid transparencies": the narrator sees through the present into the past. The juxtaposition of present and past events serves the purpose of contrasting but also of superimposing, allowing for palimpsestic images to emerge. Feelings of nostalgia lead both to self-deception and to moments of insight when the past is at least partly owned up to — at times painfully but at other times hopefully, as the protagonist's reminiscences also point to the future generation.
Digressions, palimpsestes et nostalgie dans An Artist of the Floating World.
Les digressions mettent en scène les réflexions spontanées d'un vieil homme qui tente de se réconcilier avec son passé. Ses souvenirs sont déclenchés par le truchement d'enchaînements de scènes qui se fondent l'une dans l'autre. Le temps est alors présenté comme une série de transparents liquides superposés. La narrateur voit son passé au travers de son présent. La juxtaposition des événements passés et présents permet d'établir des contrastes mais également des rapprochements donnant lieu à des images qui se construisent sous la forme de palimpsestes. La nostalgie débouche à la fois sur l'illusion et sur la lucidité, alors que la vérité émerge — parfois dans la douleur, parfois dans l'espoir lorsque le regard de la protagoniste se dirige vers les générations à venir.
P. 39. "Playing in the dead of night": voice and vision in Kazuo Ishiguro's A Pale View of Hills (C.Fort).
This article examines the relationship between voice and vision in Kazuo Ishiguro's first novel. The reader is given to hear a solitary, humble, almost absent voice which deprives the female narrator of the confessional status she seems to invest. The subjective intensity lost in the voice is then reinvested in the narrator's sight: she is staged as the upholder of a critical gaze, even as she seems verbally to inhabit Blanchot's concept of "the neuter", to abdicate all subjective authority. This tension between self-denial and vision provides forceful images which pervade the narrative: the image, a close avatar of the imago (which connects representation to death and disappearance) may generate patterns of horror (the child-and-rope motif) that remain beneath the surface of narration. The Ishigurian image allows the voice to persist as vocation, as in the Japanese haiku, while never achieving the intelligible status of the symbol.
"Playing in the dead of night": le dire et le voir dans A Pale View of Hills de Kazuo Ishiguro.
Cet article interroge le rapport entre voix et vision dans le premier récit de Kazuo Ishiguro. Le récit fait entendre une voix solitaire, humble jusqu'à l'absence, qui dénie à la narratrice le statut confessionnel qu'elle semble vouloir adopter. L'intensité subjective déniée à la voix est alors réinvestie dans la vue: la narratrice est mise en scène comme support d'une vision lucide, critique, alors même qu'elle semble faire retraite par la parole dans une neutralité blanchotienne, se défendre de toute autorité subjective. Cette tension entre déni et vision donne toute leur force aux images qui peuplent la narration: l'image, proche de l'imago qui a partie liée avec la mort et la disparition, peut configurer l'horreur (motif de l'enfant-et-la-corde), mais toujours en deçà du récit. L'image ishigurienne est ce qui permet à la voix de persister en sa qualité de vocation, sur le modèle du haiku japonais, sans jamais franchir le seuil intelligible du symbole.
P. 55. The Strange Case of Christopher Banks in When We Were Orphans by K. Ishiguro (H. Machinal).
This paper proposes an analysis of Ishiguro's recourse to the genre of the detective novel. In When We Were Orphans the author explores the narrative and thematic conventions of the genre to engage the reader in a reappraisal of ideological and political issues occulted by traditional detective novels. Ishiguro's novel introduces a historical and ideological reflexion on the construction of a literary myth, that of the detective, which the novel gradually deconstructs.
Un cas étrange: Christopher Banks dans When We Were Orphans de K. Ishiguro.
Cet article se propose d'étudier l'utilisation spécifique qu'Ishiguro fait des conventions du roman policier. Dans When We Were Orphans, il reprend les conventions thématiques et fictionnelles du genre pour entraîner son lecteur dans un travail de retour sur des dimensions politiques et idéologiques occultées dans les romans policiers classiques. Le — roman introduit une réflexion sur l'histoire et la fiction en déconstruisant le mythe littéraire du grand détective.
P. 67. When We Were Orphans, or the postponement of home (J.-P. Naugrette).
When We Were Orphans is about houses gone and "home" being postponed. Christopher Banks's exile from, and anamnesic quest for his lost home in Shanghai suggest indeed that "home" is irretrievably lost, or postponed in the Jamesian sense (see The Altar of the Dead) of a painstaking and painful work of mourning. As his parents disappear from the scene of his family romance, houses and "home" are removed into a reconstructed past from which the protagonist, both investigator and object of investigation, seems estranged. While the destroyed houses of childhood have to be restructured by means of narrative remembrance, the once familiar rooms appear as so many museums visited by guests or strangers. Postponement will be taken in the Derridean sense of "différance", i.e. not only to defer, but also to differ: in the musical pattern of the novel, where the ending seems to echo "da capo" the original motif like the Arias in Bach's Goldberg Variations, the final diegetic emergence of London as a new "home" does not point so much to the recurrence of the same, but to the same as different: the same word, but a different meaning.
Quand nous étions orphelins, ou la maison perdue.
Quand nous étions orphelins porte sur la perte de la maison originelle, et le report, la remise à plus tard du "chez-soi" [home]. Dans son exil, puis sa quête anamnésique de son ancienne maison de Shanghai que mène Christopher Banks, le "chez-soi" semble perdu à jamais, ou en tout cas reporté, objet d'un travail du deuil, au sens de James dans L'Autel des Morts. Tandis que ses parents disparaissent de la scène de son roman familial, maisons et "chez-soi" déménagent dans un passé reconstruit duquel le protagoniste, à la fois investigateur et objet d'investigation, semble détaché tel un étranger: on n'est plus chez soi. Si les maisons détruites de l'enfance sont restructurées par la mémoire narrative, les pièces autrefois familières semblent devenues autant de musées visités par des invités ou des étrangers. On prendra ce report au sens de "différence" (Derrida), non pas seulement "différer", mais être différent: vu la structure musicale du roman, où la fin semble être un écho "da capo" du motif originel comme dans les Arias des Variations Goldberg de Bach, l'émergence finale de Londres dans la diégèse comme nouveau "chez-soi" est moins le symptôme d'un retour du même que du même comme différent: le même mot, mais dans un sens différent.
P. 83. How to Have Done with Words: Virtuoso Performances in The Unconsoled (C. Pégon).
The article studies the innovative narrative strategies at work in The Unconsoled, relating narrative performativity to musical reference. Music emerges first as romantic cliché, a transcendent mode of expression promising meaning where the spoken word has failed. Music is posited as a language of the ineffable, as a hermeneutic key to the social upheaval rife in the city, promising harmony if the right chords are touched, and as impenetrable rhetoric outside the logic of the unknown city. But "having done with words" also has an astoundingly literal resonance when the narrator can intermittently (and scandalously, in narratological terms) usurp the powers of an omniscient narrator and provide logically inaccessible background material to embellish his narrative. More intriguing still is the way the narrator absorbs others' words so as to replay them imaginatively as his own story. A curiously phagocytic performance that narrates not so much events as the taking place of language, the narrational technique derives both from the troubadours' art and a virtuoso extemporisation.
Quand faire, c'est beaucoup dire: jeux de virtuoses dans The Unconsoled.
Cet article se propose d'analyser les jeux narratifs très innovateurs dans The Unconsoled, reliant la performativité narrative à la référence musicale. Il convient d'abord de poser la musique comme cliché romantique: mode transcendant d'expression qui promet un accès au sens affranchi des défaillances du verbe. La musique figure à la fois comme expression de l'ineffable, comme clef herméneutique qui pourra résoudre le malaise sociale en restaurant l'harmonie une fois que les bons accords seront trouvés, et comme rhétorique impénétrable en dehors de la logique qui prévaut dans cette ville inconnue. Mais si "faire, c'est beaucoup dire", c'est aussi en raison de la prolixité du narrateur, lequel s'empare des pouvoirs habituellement réservés à l'instance narrative omnisciente (usurpation scandaleuse aux termes de la narratologie); ainsi Ryder orne son récit d'un arrière-plan dont il était théoriquement exclu. Plus étonnant encore, le narrateur sait absorber les récits d'autrui pour en faire sa propre histoire. Exercice de phagocytose qui sert moins à décrire le réel qu'à narrer l'avoir lieu du langage, cette technique narrative emprunte à la fois à l'art des troubadours et à l'audition ex tempore.
P. 99. The Language of Repression — a linguistic approach to Ishiguro's style (L. Pillière).
Many readers have noted how Ishiguro's characters avoid talking about painful experiences, keeping unwelcome memories or intolerable desires at bay. They repress knowledge about their past and this avoidance of certain issues is reflected in their use of language. Our study will concentrate on The Remains of the Day. Beginning with word-choices, we shall then turn to the use of modality before concentrating on the main subject of our analysis: the use of particular clause-patterns — the way certain information is foregrounded and the background assumptions such clause-patterns disclose. To conclude, we shall look at the role of negation and its connection with repression.
Langage et refoulement: approche linguistique du style d'Ishiguro.
Les lecteurs d'Ishiguro ont souvent remarqué les formes du détour dans la narration, la façon dont les personnages évitent de parler des sujets douloureux, mettant à distance des souvenirs pénibles ou des désirs insupportables. Réticents à parler de leur passé, ces narrateurs utilisent des techniques de détournement, révélant ainsi l'emploi de stratégies énonciatives bien spécifiques. Ce sont ces stratégies que nous nous proposons d'examiner. Notre étude porte sur le roman The Remains of the Day et commence par une analyse du lexique. Nous examinons ensuite le choix de structures grammaticales, la façon dont certaines informations sont focalisées et privilégiées et d'autres reléguées à l'arrière-plan, voire omises. Pour conclure nous nous penchons sur le rôle de la négation.
P. 111. Did Mr Stevens Write Any Christmas Cards? Purloined Memories in The Remains of the Day (P. Veyret).
The perception of time in The Remains of the Day is based on the dual mode of incompleteness and occultation. The retrospective understanding of events is constantly postponed and only perceived in glimpses. As Stevens embarks upon the computation and reckoning of things past this expedition through time turns out to be a most unsettling experiment: continuity errors appear in the fabric of the narrative since the occurrences of events like his father's death do not quite coincide in the diegesis. The reader is faced with a diplomatic text, in the etymological sense of the word, a di-ploma , a folded, secret text.
Les cartes de Noël de Mr Stevens: souvenirs dérobés dans The Remains of the Day.
Le temps dans The Remains of the Day est perçu sur le double mode de l'incomplétude et de la dissimulation. La compréhension rétrospective du passé est sans cesse reportée, un passé qui ne se lit d'ailleurs qu'en pointillé. La recherche du temps perdu dans laquelle se lance Stevens est une expédition des plus hasardeuses car plus le récit progresse, plus il apparaît déstabilisant pour le narrateur: une erreur de montage flagrante apparaît dans le récit puisque les différents moments de la relation de la mort du père ne coïncident pas dans le temps diégétique. Le lecteur est en fait face à un texte "diplomatique", étymologiquement un di-ploma, un texte replié, secret.
P. 127. Fugal tempo in The Unconsoled (D. Vinet).
The object of this paper is first to identify the different space-time planes intersecting for an occasional moment of revelation, and next, the different versions of the main theme of a fugue and the three-four time of the music scanning the shifting metaphoric roles of the Oedipal trios which keep exchanging roles in a confusing counterpoint that Ryder fails to master. Characters in The Unconsoled can be identified as figures of his own thwarted desire playing an Oedipal tragedy on every stave of the score but they seem to be performing on different stages or on a revolving stage showing several different versions of a play at a time to an audience that will miss most of each but will catch up with meaning through the apparent stereo-consciousness of the narrator conducting the orchestra of understanding while the different instruments play the main theme ad libitum, leading the puzzled reader through the city's labyrinthine landscape and Ryder's "slippery sense of place."
Le tempo de la fugue dans The Unconsoled.
Cet article tente tout d'abord d'identifier les intersections de différents espaces-temps qui offrent au lecteur de fugitifs instants de révélation, puis les différentes versions du thème principal d'une fugue dont la musique à trois temps scande le jeu des métaphores interchangeables de triangles oedipiens qui ne cessent d'échanger leurs rôles en un contrepoint confondant que Ryder ne parvient pas à maîtriser. Les personnages de The Unconsoled peuvent être interprétés comme des figures de son désir inassouvi jouant une tragédie oedipienne sur toutes les portées de la partition, comme s'ils jouaient, sur une scène multiple ou pivotante, différentes versions simultanées de la même pièce pour un public condamné à manquer l'essentiel mais qui renoue les fils de l'histoire dans l'apparente stéréo-conscience du narrateur qui donne une mélodie au sens tandis que les instruments de l'orchestre jouent le thème principal ad libitum et guident le lecteur intrigué à travers le labyrinthe de la cité et les errements de Ryder.
P. 143. The homeless writer or the remains of Japan in Kazuo Ishiguro's works (P. Zinck).
This paper examines the Japanese literary context and cultural affiliation of Kazuo Ishiguro's early fiction. In narratives marked by retrospection, repetition and aporia, the themes of memory manipulation, censure, historical and cultural amnesia and the language of translation are explored in conjunction with the writer's exilic condition.
L'écrivain étranger ou les vestiges du Japon dans l'œuvre de Kazuo Ishiguro.
Cet article se propose d'examiner, dans les premières œuvres romanesques de Kazuo — Ishiguro, le contexte littéraire japonais et la filiation de l'auteur avec cet héritage culturel Dans des récits caractérisés par la rétrospection, la répétition et l'apode, plusieurs thèmes d'étude ont été privilégiés: la manipulation de la mémoire, la censure, l'amnésie historique et culturelle et la langue de traduction en relation avec l'écriture de l'exil.