Ebc24

 résumés / abstracts

D. Waterman, "Improper Heroes: Treating the Contagions of Hysteria, Homosexuality and Pacifism in Pat Barker's World War I Trilogy"
L. Verrier, "Les figures du double dans Night Train de Martin Amis"
P. Aquien, "Le cru et le cri: 'Crow and the Birds' (Crow, 1970), de Ted Hughes"
R. Shusterman, "Hell for the Spell-Checker: The Metaethical Dimension of Incorrect Language"
C. Hoffmann, "Questions d'éthique et d'esthétique autour d'un vase chinois : Books do Furnish a Room d'Anthony Powell"
D. Pernot, "The Lessons of the World and the Book"
H. Fau, "A la recherche du correct dans Sexing the Cherry de Jeanette Winterson : monstration obscène et inhibition décente"
B. Rouby, "Le rock à l'épreuve su canon"

P. 5.1. Improper Heroes: Treating the Contagions of Hysteria, Homosexuality and Pacifism in Pat Barker's World War I Trilogy (D. Waterman).

 

Pat Barker's World War I trilogy is often concerned with the effects of non-masculine, non-heroic behavior during a time of crisis. Soldiers who deviate from the socially-accepted norm, such as hysterics, homosexuals and pacifists, are often treated as though they threaten the larger population with a contagious disease, which then must be isolated and "cured" in institutions like psychiatric hospitals and prisons, institutions which function in support of the dominant ideology. Every effort is made by the dominants to ensure that those subjects who occupy a "contagious" position will not be heard, or if they are, that their "cowardly" nonconformist message will be denigrated by the larger social environment.

La trilogie de la Première Guerre mondiale de Pat Barker traite souvent des effets d'un comportement non-masculin, non-héroïque pendant une crise. Les soldats qui s'écartent de la norme définie par la société, comme les hystériques, les homosexuels et les pacifistes, sont considérés comme "contagieux", ayant une maladie qui menace la population au sens large, une maladie qui doit être isolée puis "soignée" dans les institutions comme les hôpitaux psychiatriques et les prisons, institutions qui soutiennent 1'idéologie dominante. Tout effort est fait par les dominants pour assurer que ces sujets qui occupent une position de "contagieux" ne soient pas entendus ou, si oui, que leur message "lâche" et non-conformiste soit perçu comme ridicule par la société dans son ensemble.


P. 19. Les figures du double dans Night Train de Martin Amis (L. Verrier).

 

Le présent article examine les fonctions du double dans Night Train, dernier roman en date de Martin Amis. En faisant la part belle aux phénomènes de transfert temporel et de scission narrative tout en jouant sur l'ambiguïté onomastique et sexuelle du narrateur, Night Train relate l'effritement puis l'effondrement ontologique du sujet contemporain pris dans les rets d'un univers factice sur lequel le simulacre semble régner en maître. Dans la mesure ou le medium prend le pas sur une réalité en tout point artificielle, le roman se prête a une lecture apocalyptique, la fin du monde étant annoncée quoique toujours repoussée. Néanmoins, grâce a la répétition lexicale et sonore qui esquisse la possibilité d'une transcendance par le biais du sublime, Night Train dépasse l'ère du simulacre en se fondant sur l'authenticité de l'émotion esthétique. Cette dynamique accuse in fine le statut hybride de Martin Amis, écrivain romantique échoué dans une ère postmoderne.

This article examines the functions of the double in Night Train, Martin Amis's latest novel. By giving pride of place to temporal transfers and narrative scissions while exploiting the sexual ambiguity of a female narrator bearing a masculine-sounding name, Night Train recounts the ontological decay and collapse of the contemporary subject ensnared by a sham universe over which the simulacrum reigns supreme. As the medium seems to supersede reality, one is at first entitled to read Night Train as an apocalyptic novel eulogising impending doom, the main characteristic of which being that it is endlessly foretold yet for ever postponed. Nevertheless, word repetitions and sound duplications gradually impart to the text a degree of transcendental sublimity which triumphs over artificiality by demonstrating the authenticity of aesthetic emotions. Such a movement ultimately betrays the hybrid status of Martin Amis who is but a romantic author stranded in a postmodern era.


P. 31. Le cru et le cri: "Crow and the Birds" (Crow, 1970), de Ted Hughes (P. Aquien).

Cet article cherche à analyser le concept d'incorrection à partir d'une lecture détaillée de "Crow and the Birds". Il s'interroge en particulier sur l'emploi systématique et la subversion de références intertextuelles ; il met aussi l'accent sur l'iconoclasme et la rupture avec les conventions esthétiques conçues comme des restes culturels fossilisés. L'oralité et le cri sont privilégiés, le poème dénonçant l'impérialisme d'un ordre poétique convenu qui s'interposerait entre le sujet et le monde.

This paper is an attempt to analyze the notion of incorrectness from a close reading of Ted Hughes' "Crow and the Birds". The article concentrates both on the use and on the subversion of intertextual references; it also describes nihilistic iconoclasm as a strategy denouncing aesthetic conventions as fossilized scraps. The poem gives greater importance to oral satisfaction and to scream versus articulate language; it also sarcastically denounces the imperialistic power of

linguistic and poetic orders.

 

 


 

P. 43. Hell for the Spell-Checker: The Metaethical Dimension of Incorrect Language (R. Shusterman).

 

The concept of "correction" needs to be connected to the recent "turn to ethics" in Anglo-Saxon

critical circles. However, my own recent arguments for the "metaethical effect" of all literary experience were not intended to lead to a restrictive vision of linguistic solidarity based on uniformity. My project here is to demonstrate that the "incorrectness" of certain literary works also produces the kind of solidarity of texts that I discuss in L'Emprise des signes. Using examples from James Joyce (Finnegans Wake) and Martin Amis ("What Happened to Me on My Holiday"), I argue that incorrectness produces its own metaethical effect. Such "errors" are a call to unlimited interpretation, and as such they exemplify non-determinism in a way which teaches the evaluation of possibilities and the nature of choice. The same lesson can be learnt from theory itself.

Toute recherche sur la notion du "correct" nous fait songer inévitablement au "tournant éthique" qui a marqué la critique anglo-saxonne dernièrement. Mes propres arguments récents en faveur d'un "effet méta-éthique" de l'expérience littéraire ne visaient pas, toutefois, la défense d'une vision restrictive de la solidarité littéraire fondée sur l'uniformité. Je tente de démontrer ici que l'erreur et l'incorrection intentionnelle produisent elles aussi l'effet de la "solidarité des textes" que je décris dans L'Emprise des signes. L'examen de passages tirés de James Joyce (Finnegans Wake) et de Martin Amis ("What Happened to Me on My Holiday") semble montrer combien cette "incorrection" provoque son propre effet méta-éthique. Elle engendre une conscience de l'interprétation comme pratique infinie, une conscience du non-déterminisme qui enseigne la forme de l'évaluation et du choix. La théorie elle-même produit cet effet méta-éthique.


P. 55. Questions d'éthique et d'esthétique autour d'un vase chinois: Books Do Furnish a Room d'Anthony Powell's (C. Hoffmann).

 

La scène de Books Do Furnish a Room, dixième volume du roman-fleuve de Anthony Powell, A Dance to the Music of Time, au cours de laquelle Pamela vomit dans un vase chinois sert d'épilogue à un récit d'enterrement et constitue un exemple caractéristique d'un motif narratif récurrent: celui du rituel perturbé ou de l'étiquette bafouée. L'étude de l'épisode du vase chinois permet de mettre en lumière le fonctionnement de ce que Hamon nomme "l'effet-idéologie" dans le texte où la concentration des discours normatifs permet au lecteur de situer les personnages sur une échelle de compétences éthiques et esthétiques. Toutefois les procédés ironiques utilisés tout au long du récit de cette scène maintiennent à distance les jugements éthiques des personnages et les considérations esthétiques du narrateur. Dans le discours de ce dernier, l'excès de bienséance linguistique paraît relever d'un auto-pastiche, plutôt que de la satire d'un sociolecte, ce qui a pour effet de déstabiliser l'édifice formel érigé par un narrateur dont l'attention esthétique s'attache aux objets les moins prometteurs.

 The scene in Books Do Furnish a Room, vol. 10 of Anthony Powell's A Dance to the Music of Time, where Pamela vomits into a Chinese vase constitutes the near epilogue of a chapter devoted to the narrative of a funeral. Such scenes of disruption of social rituals and etiquette are recurrent in the series. A study of the Chinese vase episode reveals a concentration of normative discourses, producing an ideological effect within the text which establishes a hierarchy of evaluative competences among the characters. However, the various ironic devices used throughout the scene keep the characters' ethical pronouncements and the narrator's aesthetic considerations at a distance. In particular, the excessive linguistic correctness of the narrator's discourse does not seem so much to mock the linguistic etiquette of the upper-classes as to signal a form of self-pastiche which slightly upsets the formal edifice built on the narrator's aesthetic attention to unpromising objects.


P. 67. The Lessons of the World and the Book (D. Pernot).

 

Does Josipovici's practice reflect his theory put forward in The World and the Book? Does he apply his dichotomy to his own novels written from 1968 to 1986? If two of them (The Inventory or Contre-Jour) fulfill his definition of the modernist novel, others (The Present, Migrations, Conversations in Another Room) do not allow a basic dissociation of the world from the book, the imposition of a stabilizing frame. The clear opposition between reality and fiction becomes blurred and almost impossible, heralding a new form of ontological realism. Moreover, rejecting realistic referentiality for the benefit of metafiction and abortive mimesis may lead to formalism and the abolition of the world. Surprisingly, Josipovici can also work within a more realist tradition, presenting only the world as in The Air We Breathe. The lessons of The World and the Book show how inventive and versatile he may be and how a critical concept can be discarded, exploited and refined.

Josipovici, romancier et critique, a-t-il appliqué la théorie qu'il a exposée dans The World and the Book à ses romans composés entre 1968 et 1986? Si deux romans (The Inventory or Contre-Jour) répondent aux critères du roman moderne et à sa définition, d'autres (The Present, Migrations, Conversations in Another Room) ne permettent plus de dissocier le monde du livre ou d'imposer un niveau diégétique stable. L'opposition nette entre la réalité et la fiction s'estompe et disparaît presque, annonçant une nouvelle forme de réalisme ontologique. Le rejet de toute référentialité réaliste au profit de la métafiction et de la mimésis abîmée peut conduire au formalisme et à l'abolition du monde. Josipovici, d'une manière tout à fait surprenante, peut aussi s'inscrire dans une tradition réaliste, en nous présentant seulement un monde comme dans The Air We Breathe. Les leçons de The World and the Book illustrent son caractère versatile et inventif et la façon dont un concept critique peut être rejeté, exploité ou élaboré.


P. 85. À la recherche du correct dans Sexing the Cherry de Jeanette Winterson: monstration obscène et inhibition décente (H. Fau)

Injustement expulsé de la scène et condamné à une "survisibilité" qui le rend réellement obscène, l'obscène tente de se débarrasser des interdits et de regagner la sphère du "simplement visible". Cet article illustre le parcours, visible et invisible, qu'il emprunte dans Sexing the Cherry, roman grivois de Jeanette Winterson, et fait état des résultats qu'il obtient. L'analyse met l'accent à la fois sur le trompe-l'œil de l'avant- et de l'arrière-scène du roman. En effet, c'est extérieurement obscènes et intérieurement décents que certains personnages, tels que la femme aux chiens, se présentent au lecteur. De même, c'est extérieurement décents et intérieurement obscènes, que d'autres, tels que les Puritains, sont dépeints. Mais le roman wintersonien ne serait pas le roman wintersonien s'il ne proposait pas une deuxième lecture et un brusque basculement des tendances constatées — qu'elles soient visibles ou invisibles — et n'insistait pas sur l'incessante remise en cause des traditionnels critères de fiabilité. C'est ce sur quoi la troisième et dernière partie de cette analyse jette la lumière. N'ayant plus aucune raison de résider dans l'excès (de la monstration ou de l'inhibition), l'obscène semble enfin pouvoir réintégrer la simple visibilité de la scène théâtrale.

Banned from the stage and thus condemned to an excessive visibility, the obscene tries to get rid of the imposed taboos and fights to re-enter the sphere of the "simply visible". This article enlightens the happenings the obscene goes through as well as the results it achieves in Jeanette Winterson's novel Sexing the Cherry and stresses how trompe-l'œil the various layers of the fiction are. Some characters like the Dog-Woman are more than obscene at first sight. Yet, they reveal very decent aspects. Others like the Puritans, obviously starched to discipline, unexpectedly turn "overvisible". It seems as though appearances could not be trusted. In Sexing the Cherry, the obscene remains tightly tied to the excess until the revolving scene of Spitalfields in which the reader attends the rehabilitation of the "overvisibly" exposed and invisibly repressed. There, at least, the obscene leaves the exaggeration it had been confined to and regains the "simply visible" of the theatre scene.


P. 93. Le Rock à l'épreuve du canon (G. Rouby).

 

Dans leur recueil Pop Stars, Jeremy Reed et Mick Rock livrent leurs impressions poétiques et photographiques de divers chanteurs de rock en vue de légitimer cette musique, non à l'aune de critères reconnus, mais selon ses propres principes. Leur entreprise commune, qui consiste à valoriser ce qui fonde même la musique rock (spontanéité, intensité, métamorphoses du soi), inaugure une manière d'aborder la culture populaire qui passe outre aux cloisonnements génériques. La poésie de Reed en particulier renvoie aux mouvements artistiques qui ont interrogé les normes établies (surréalisme, expressionnisme, art corporel), si bien que le rock intègre paradoxalement le canon occidental parce qu'il s'apparente aux formes d'expression les plus hostiles à l'idée de canon que connaisse l'histoire de l'art.

 

In their collection Pop Stars, Jeremy Reed and Mick Rock confront their poetic and photographic impressions of rock singers in order to legitimize rock music, not by academic standards, but on its own terms. Their joint endeavour consists in foregrounding the values inherent in rock music, namely spontaneity, intensity and self-transformation, thus inventing a trans-generic approach to popular culture. More specifically, Reed's poetry occasionally refers to such artistic movements—surrealism, expressionism and body art—as question established standards, so that rock music paradoxically conforms to the Western canon by reason of its kinship to the most anti-canonical forms of expression in the history of art.