Ebc21

 résumés / abstracts

C. Bernard, Introduction
E. Angel-Pérez, "Le théâtre anglais contemporain : la scène impudique"
D. Girard, "De la cochonnerie chez Irvine Welsh"
J.-M. Ganteau, "'Eve, whose eye darted contagious fire' : expressivité et impudeur dans Written on the Body de
eanette Winterson"
G. Letissier, "The Last Testament of Oscar Wilde : autofiction et/ou ultime repli du biographique ?"
B. Macadré, "La représentation du corps dans l'écriture et la peinture de D.H. Lawrence"
P. Volsik, "Exhibition and (self) Advertisement: Philip Larkin's 'Sunny Prestatyn'"
P. Aquien, "A clever line / Or a good lay" : W.H. Auden et l'écriture de l'impudeur"
J. Barnes, Le Perroquet de Flaubert, conférence à la Sorbonne

Le théâtre anglais contemporain: la scène impudique (E. Angel-Pérez)

 Comme l'abject qui la borde, l'impudeur se donne par le truchement d'une représentation, qu'elle soit littéraire ou figurative : le théâtre, par étymologie, c'est le lieu où l'on donne à voir, où l'on exhume l'enfoui. Le théâtre met les corps en présence : impudique, il l'est donc par essence. On se placera ici dans le prolongement des travaux de Julia Kristeva sur l'abjection pour analyser, à partir des pièces de Steven Berkoff, de Howard Barker ou encore de Sarah Kane, comment et à quelles fins le théâtre contemporain anglais s'efforce de faire ce qu'il convient de ne pas faire et définit ainsi l'esthétique du "In Yer Face Théâtre." On s'interrogera, devant l'excès d'impudeur, sur le statut de cette écriture dramatique sursaturée par l'obscène.

The immodesty of English contemporary theatre

 Just like abjection, immodesty only exists as a sign: it is revealed through a process of literary or figurative visualisation. Theatre, etymologically, is the place where things are seen. Its vocation consists in digging up what is buried. Theatre produces the bodies and not merely their representation on the stage. It is therefore indecent by essence. Based on a study of plays by Steven Berkoff, Howard Barker and Sarah Kane, this paper analyses, in the wake of Julia Kristeva's work on abjection, to what extent and purpose English contemporary theatre defines the aesthetics of an "In Yer Face Theatre." Given its overabundant immodesty, the question of the status of a dramatic language replete with obscenities will in fine be addressed. 


De la cochonnerie chez Irvine Welsh (D. Girard)

 L'étude des cinq romans d'Irvine Welsh (Trainspotting, The Acid House, Ecstasy, Marabou Stork Nightmares et Filth), porte tout d'abord sur la cochonnerie, son symbolisme et le rôle du langage dans une écriture qui se nourrit du déchet et de l'excreta. L'étude s'interroge ensuite, à la lumière de la philosophie d'Arthur Schopenhauer, sur la valeur artistique d'œuvres contemporaines qui appartiendraient à ce que l'on appelle la littérature "trash." L'auteur tente également une lecture homosexuelle de la représentation de la sexualité dans des discours hétérosexuels. Enfin, le projet d'hétérologie de Georges Bataille, sorte de scatologie intellectuelle ébauchée aux débuts des années trente, sert de base critique pour explorer les différents degrés d'obscénité contenus dans ce genre de romans ultra-réalistes. 

 On Filth, Dirt an Pigs in Irvine Welsh's Novels

 

Considering Irvine Welsh's five novels (Trainspotting, The Acid House, Ecstasy, Marabou Stork Nightmares and Filth), the author studies the symbolism of pigs and swines and the role of language in a literature which feeds on mess and excreta. In the light of Arthur Schopenhauer's philosophy, the study then questions the artistic value of contemporary works often labelled as "trash literature." The author also suggests a gay reading of sexual representation in heterosexual discourses. Last, the heterology programme initiated by Georges Bataille as a sort of intellectual scatology in the early thirties, will serve as a critical frame aimed at exposing the various degrees of obscenity present in such ultra-realistic novels.


"Eve, whose eye darted contagious fire"; expressivité et impudeur dans Written on the Body de Jeanette Winterson (J.-M. Ganteau)

 

 Cet article se situe dans le cadre général des découvertes de Max Scheler et de Georges Bataille, et se fonde sur une définition de l'impudeur comme manière de trancher l'hésitation humain/spirituel, profane/sacré caractéristique de la pudeur en faveur du second terme de cette alternative. L'impudeur y est donc analysée, à travers le récit de Jeanette Winterson, comme régime de l'engagement univoque dans l'excès, les effets et les affects. Plusieurs aspects du roman sont analysés, notamment la surcharge intertextuelle qui le caractérise (confession, élégie, romance, mélodrame et autres sources d'expressionnisme ou de sensationnalisme), le processus emphatique de littéralisation impudique, la précellence de la métonymie comme moyen de visualisation (hypotypose, débordements baroques, deixis du corps féminin). La conclusion de ce travail s'intéresse à l'impudeur comme stratégie de "presentification," à savoir de dépassement de la mimesis traditionnelle, de convocation de l'absent, dans un texte romantique dont le but est de tout dire.  

"Eve, whose eye darted contagious fire": expressiveness and shamelessness in Jeanette Winterson's Written on the Body

This article starts from a definition of shamelessness taken from the works of Max Scheler and Georges Bataille. Shamelessness is thus seen as a means of putting an end to the hesitation between the human/the spiritual, the profane/the sacred that characterises shame. The suspension of the hesitation is associated with the univocal choice for the second alternative, i.e. the spiritual and the profane. Shamelessness is analysed through a reading of Jeanette Winterson's Written on the Body as a textual mode that makes for the prevalence of excess, effect and affect. Various aspects of the narrative are addressed: its generic inheritance (confession, elegy, romance, melodrama and other sensationalist components), the resort to literalisation as a defamiliarising modality of shamelessness, the use of metonymy as an instrument of visualisation (hypotyposis, baroque, excess, deixis, etc.). The conclusion concentrates on shamelessness as a means to 'presentify,' that is to make things textually present instead of just representing them, which links Written on the Body to the tradition of romantic literature.


 

The Last Testament of Oscar Wilde: autofiction et/ou ultime repli du biographique? (G. Letissier) 

Le concept d'autofiction (Doubrovsky) éclaire l'autoportrait-puzzle fictif que construit Ackroyd. Entre le réfèrent historique, la figure iconique et l'invention littéraire, Ackroyd brouille les contours du sujet unique dans le labyrinthe des discours du "je" : confessions, monologues et conversations (Landor). Indécidable, cet Oscar intradiégétique participe à la fois de Narcisse et de Protée. La rhétorique de l'aveu explore la paederastia, replacée dans le contexte hellénisant d'Oxford, à la fin du XIXe siècle. Si, en dernier ressort, le "je" protéiforme reconstruit n'est plus que le lieu d'inscription de discours multiples : de l'hommage à la tradition anglaise à la célébration du mythe (Oscariana), se pose alors la question des formes que peut prendre l'écriture du soi. Finalement, Last Testament suggère que l'autofiction serait le dernier repli du biographique. 

The Last Testament of Oscar Wilde: 'autofiction' and/or last bastion of the biographic mode?  

Doubrovsky's concept of 'autofiction' sheds light on Ackroyd's fictitious self-portrait of Oscar Wilde. Between the historical referent, the iconic figure and the literary creation, Ackroyd blurs the contours of the individual subject within the labyrinth of the various discourses on the 'I': confessions, monologues and conversations (Landor). This intradiegetic Oscar is undecidable as it partakes both of Narcissus and Proteus. The rhetoric of the confession investigates paederastia in the Hellenistic context of Oxford, in the last decade of the 19th century. In the last resort, it would seem that this protean 'I' only remains as a space for multiple discourses ranging from a homage to the English tradition to the celebration of a myth: Oscariana. This raises the issue of the genericity of any writing of the self in the so-called postmodern era. Through Last Testament it could be argued that 'autofiction' would be the last bastion of the biographical mode.


La représentation du corps dans l'écriture et la peinture de D.H. Lawrence (B. Macadré)

 

Le thème du nu est omniprésent dans le roman testamentaire de D.H. Lawrence, Lady Chatterley's Lover ainsi que dans ses peintures, dont certaines furent saisies pour obscénité en 1929. Il existe chez Lawrence la volonté de mettre en scène des gestes et des activités intimes, voire impudiques propres à heurter la pudeur du lecteur et du spectateur et ce, afin de replacer le corps au premier plan de la page et de la toile. Loin d'être absent et immatériel, le corps lawrencien s'offre au regard de toute sa substance, à la manière des pommes de Cézanne, dont Lawrence louait la pommité — "appleyness." L'impudeur de la représentation est amplifiée par le "peindre laid" cher aux Expressionnistes et aux Fauves et par une volonté de désapprendre à peindre et à écrire pour mieux dire. En ce sens, peintures et roman sont des œuvres primitives révélatrices d'un processus purificateur nécessaire pour regarder les choses en face et retrouver l'innocence originelle d'avant la honte. 

The representation of the body in D.H. Lawrence's writing and painting 

 Nudes, whether masculine or feminine, are a recurrent theme both in D.H. Lawrence's ultimate novel, Lady Chatterley's Lover, and in his paintings, some of which were seized for obscenity in 1929. Lawrence's insistence on staging intimate, shameless gestures and activities hurts the reader's or the spectator's modesty and forces them to "look the thing in the face." Far from being absent or immaterial, the Lawrentian body presents itself to the gaze in its powerful substance and "thereness," in the same way as Cezanne's apples reveal their "appleyness." The shamelessness of the representation is yet emphasized by Lawrence's will to unlearn writing and painting skills in order to utter things in a more direct way. Paintings and novel could then be considered as primitive works of art exposing the purifying process necessary to regain prelapsarian innocence, before Shame was.

 


Exhibition and (self) advertisement: Philip Laridn's 'Sunny Prestatyn' (P. Volsik)

 

The paper is an attempt to reflect on the notion of shamelessness working from a close reading of Philip Larkin's 'Sunny Prestatyn', a work that is seen as symptomatic of a certain type of post- Modernist poem. The article concentrates on the representation and violation of the image of a woman's body, a particular representation of male desire, the problem of impudence as a social, cynicism as a philosophical, and iconoclasm as an aesthetic strategy. It concludes by looking at Larkin's ambivalent attitude towards the lyrical and the general question of the existence of an 'aesthetics' of 'impudeur.'  

Exhibition et publicité: étalages de l'intime. Le "Sunny Prestatyn" de Philip Larkin 

Cet article aborde le problème de l'impudeur à travers une explication de texte du poème "Sunny Prestatyn" de Philip Larkin — œuvre qui est analysée comme symptôme d'un certain type de poésie anglaise post-moderniste. Il réfléchit sur la représentation d'un "viol" de l'image d'un corps de femme et la mise en place d'un certain désir masculin, sur l'impudence comme stratégie sociale, le cynisme comme stratégie philosophique et l'iconoclasme comme stratégie esthétique. L'article se conclut en examinant l'ambivalence et l'ambiguïté d'un texte qui négocie constamment avec le lyrisme, et pose la question de l'existence possible/impossible d'une "esthétique de l'impudeur."



"A clever line / Or a good lay" : W. H. Auden et l'écriture de l'impudeur (P. Aquien)

 

On se demandera dans cet article si le concept d'impudeur permet de comprendre ce que W. H. Auden donne à lire et à voir, et qui, selon les convenances, ne devrait pas être vu. L'interrogation majeure porte sur la mise en scène de ce qui a priori ne se montre pas sur la scène publique, mais qui peut s'écrire, ou se décrire : l'analité d'une part, la sexualité de l'autre. On évoquera alors l'un des aspects de la conception audenienne de l'Éros, sa nature physique, pour en explorer les modalités, en particulier dans sa composante majeure, celle de l'homosexualité. On pourra toutefois se demander si écrire n'efface pas l'intention impudique et si, pour obscène qu'elle soit dans ses instances extrêmes, la confession écrite et ritualisée par le biais du travail poétique ne réduit pas l'impudeur à une source, un moteur, une impulsion. 

"A clever line / Or a good lay": W. H. Auden' immodest writing 

This article considers the way in which the concept of immodesty helps understand what W. H. Auden's poetry visually suggests and puts forward. The major issue is related to the staging of anality on the one hand, to sex on the other, namely two human facts hardly supposed to be explicitly exhibited, for conventional social and moral reasons. A major aspect is related to the physical nature of Auden's conception of love, more specifically the issue of homosexuality. One may however wonder whether the immodest 'confession', however obscene it may be at times, is not undermined by the very process of poetic writing, which reduces it to a mere abstract source and impulse.