Ebc19
résumés / abstracts
Michel Morel, "Angels and Insects de A.S.
Byatt : du "ha ha," du Père et de la clôture" |
Angels and Insects de A.S. Byatt : du "ha ha," du Père, et de la clôture (M. Morel)
Angels and Insects est un récit double dont les événements sont situés à dix ans d'intervalle dans la seconde moitié du XIXe siècle. Darwin dans le premier récit et Swedenborg dans le second servent de référence idéologique contextuelle. Les deux parties traitent de la limite, limite dont la représentation physique est le "ha ha" présent dans le premier récit. Le "ha ha" ou la clôture cachée dont la présence masquée mais effective permet de dénoncer l'unité ethnocentrique d'un paysage où l'harmonie apparente entre nature et culture dissimule en réalité un ordre oppressif dont le deuxième récit dénonce les enfermements. Au delà de la reconstitution historique, cette méditation philosophique par fiction interposée pose la question de l'altérité et des limites non sues mais intensément opératoires de notre propre perception.
Angels and Insects
by
A.S.
Byatt:
the funk-fence and the
father.
Angels and Insects
is
a twotier composition whose events are placed ai a ten-year distance in
the second half of the XIXth century. The ideological background is provided
by Darwin in the first story, and Swedenborg in the second. Both speak of
limits, limits here embodied by the "ha ha" of the first story. The "ha ha"
or the hidden fence whose concealed but effective presence allows the text
to lay bare the ethnocentric unity of a landscape in which the apparent harmony
between nature and culture actually keeps out of sight an oppressive order
whose limitations the second story denounces. Beyond the historical
reconstruction, such philosophical meditations by way of fiction put the
question of otherness and the unwitting but fiercely operative limits within
our own perception.
Les
Mille et Une Nuits d'une narratologue :
The
Djinn in the Nightingale's Eye
d'A.
S.
Byatt
(M.-P. Buschini).
The
Djinn in the Nightingale's Eye
réactualise
Les Mille et Une Nuits à travers le personnage d'une
narratologue, Gillian Perholt. Il reproduit la structure des
Nuits (récit cadre, récits enchâssés,
autorité du narrateur et multiplicité des voix), établissant
un parallèle entre conte traditionnel et pratique moderne du récit
(récits oraux, procédés narratifs, protagonistes comme
fonctions) adaptant et parfois subvertissant les thématiques. La relation
entre conteur et auditoire, le pouvoir du langage et du récit sont
mis en évidence, implicitement assortis d'une
comparaison parfois ironique entre statuts traditionnel et moderne
des contes et des conteurs / narratologues. Comme l'indique Todorov, raconter
égale vivre mais le narrateur est aussi Dieu, Destin. La fascination
du récit réside essentiellement dans son pouvoir de manipuler
le lecteur mais encore dans le rappel constant de la permanence et de
l'universalité de la condition d'homme à travers les destins
particuliers.
A
Narratologist's Arabian Nights: A.
S. Byatt's The Djinn in the Nightingale's
Eye.
The Djinn in the Nightingale's Eye is
a
modern version of The Arabian Nights
featuring a narratologist, Gillian Perholt. Its structure is similar
to chat of the Nights (frame narrative,
embedded narratives, numerous narrative voices) and draws a parrallel between
traditional tales and modem narrative practices (oral narratives, narrative
devices, characters as functons), adapting themes and occasionally subverting
them. The tale investigates the relationship between storyteller and audience,
the power of language and narrative, suggesting a sometimes ironical comparison
between the traditional and the modern status of tales and storytellers /
narratologists. Todorov claims that to tell a story means to live; yet the
narrator also acts as Fate, or God. The fascination of the story derives
mostly from the narrator's power to manipulate the reader and insistence
on the permanence and universality of the human condition despite the diversity
of individual
experience.
Gnawing at the
great Ash's root: Norse myth in
Possession (G.
Letissier)
Possession
is
a
postmodem romance that revives the many-faceted Victorian era with a special
emphasis on tales and fables. The Norse myths, towards which Carlyle and
Morris were to turn, answered to a genuine thirst for the irrational while
reinforcing the sense of an Anglo-Saxon identity. In Byatt's fiction the
use of the Norse myth contributes to create a patina effect that may be compared
to the taste for the medieval element. The Norse myth also reinforces the
organic unity of the multilayered and seemingly fragmented text. Finally
the many allusions to the Northern cosmogony and eschatology throw into relief
the metatextual comments on arbitrariness of beginnings and endings in
fiction.
Ronger la racine du grand frêne (Yggdrasill): la mythologie nordique
dans
Possession.
Possession,
roman romanesque (romance)
postmoderne, ressuscite un passé victorien composite tout en accordant
une place de choix à la fable et au conte. La mythologie nordique
vers laquelle se tournèrent Thomas Carlyle et William Morris devait
répondre à une soif d'irrationnel tout en renforçant
un principe identitaire. Dans l'économie de la fiction, le mythe
scandinave participe d'un effet de patine au même titre que le
médiévisme. Il participe de l'organicité d'un texte
protéiforme et fragmenté. Enfin les allusions à la
cosmogonie et à
l'eschatologie nordiques confèrent
une résonance toute particulière aux commentaires
métatextuels sur les l'arbitraire des débuts et des fins dans
l'espace de la fiction.
Pour une paternité sans rivage: le
témoignage de Christopher Isherwood (B.
Gilbert)
Orphelin d'un père colonial
tué à Ypres, livré à une mère grande
prêtresse/grande traîtresse, Isherwood témoigne d'un accident
dans la psyché anglaise. Son chemin de croix, qu'il transforme en
chemin de Damas, peut se lire en trois étapes. La première
est celle de l'ignominie; confrontation perverse de la mère et du
fils, elle mène à la culpabilité, à la stase,
à la mort. Puis vient le temps de la révolte de la vie - dans
la réalité, dans la fiction. Mais les dés sont
pipés : l'Europe s'immole, le fils s'excite. L'énigme
est niée mais non résolue. Le sphinx est toujours debout. Sur
ces ruines apparaîtra une lumière que l'on n'attendait plus.
Le père fait retour, non comme refoulé mais comme grâce,
arrachée au couteau. Tout était mal qui finit bien: la vie
est passée, en force.
For a boundless fatherhood:
the testimony of Christopher Isherwood
The orphan of a colonel killed at Ypres, left to
a mother keeper/betrayer of home truths, Isherwood maps a time of crisis
in the British psyche. His stations of the Cross can be grouped in three
stages. The first one is that of ignominy, the perverse mother/son confrontation
leads to guilt, stasis and death. Then comes the time of rebellion and life
- in reality, in fiction. But the dice are loaded: the son leaves a sinking
Europe. The enigma is dodged, not solved. The Sphinx remains unscathed. On
those ruins, unexpectedly, the father will reappear, not as the suppressed
figure, but as a grace bestowed on the resilient son. All was wrong that
ends well: life has had its way.
The avatars of the father in
The
Remains of the
Day
(D.
Vinet)
In The Remains
of the Day, Ishiguro seems to achieve the synthesis of two concepts through
the dramatisation of the struggle between the Greek Ego and the Buddhist
Non-Ego in the psyche of Stevens, the butter. The former, the concept of
paternity, links the characters to a lineage, thus giving them a linear
historical dimension which tends to progress and corresponds to the
Judeo-Christian vision of the world. It presupposes the handing down of power,
a father-son relationship which extends beyond the family cell and shows
in worshipping habits and liturgy. It bas also been food for the
psycho-analytical thought and paradoxically involves the - symbolic - murder
of the father. The latter presents the cyclical vision of oriental cultures
in which everyone is an element of the universe and caught in a vicious circle
which must be broken for the curse to be lifted. This paper attempts at sifting
through the narrative and the analepses for traces of the avatars of the
father-figure and their alienating influence at the tangential points where
the two concepts, the line and the circle, meet and
clash.
Les avatars du père dans
The Remains of the
Day
Dans
The Remains of the Day, Ishiguro
semble offrir une synthèse de deux concepts en présentant au
lecteur le spectacle du combat entre le Moi grec et le Non-Moi bouddhique
dans la psyché du majordome Stevens. Le premier, le concept de
paternité, inscrit les personnages dans une lignée, leur donne
une dimension historique linéaire qui tend vers le progrès
et correspond à la vision judéo-chrétienne du monde.
Il suppose une passation de pouvoir, une relation père-fils qui
dépasse la simple cellule familiale, s'inscrit dans la pratique religieuse
et la liturgie. Il a nourri la pensée psychanalytique et suppose
paradoxalement le meurtre - symbolique - du père. Le second est
la vision cyclique d'une culture orientale dans laquelle chacun est
élément de l'univers et pris dans un cercle vicieux dont il
faut briser la malédiction. Cet article tente de retrouver, à
travers la narration et les analepses du roman, les avatars du père
et leur influence aliénante aux points de tangence où ces deux
concepts, la ligne et le cercle, se confondent et se
confrontent.
Figure(s) paternelle(s) : Iain Banks et
l'intertextualité idéologique (M.-O.
Pittin-Hédon)
L'article vise à souligner
la centralité du concept d'origine pour la littérature
écossaise contemporaine, en s'appuyant sur
Complicity, d'Iain Banks. Il s'agit
pour Banks à la fois d'établir et de rejeter les notions de
paternité, d'intertextualité et de communauté artistique.
Cette tâche difficile se double d'une volonté de contrecarrer
la dépendance politique et culturelle de l'Écosse vis à
vis de l'Angleterre. L'intertexte biblique, sert de base à un exercice
de style sur le thème de la création (littéraire, loin
toutefois de toute transcendance), du pouvoir du créateur, en faisant
apparaître et disparaître, se superposer différentes figures
de la paternité ou de l'ascendance. L'intrigue policière du
roman sert de guide à la lecture, voulue comme une quête accomplie
par le lecteur, l'entraînant à endosser peut-être le
rôle de complice dont il est question dans le
titre.
Father figures: lain Banks and ideological
intertextuality
This paper sets out to emphasise the central position
of the issue of origin in contemporary Scottish literature, by using Iain
Banks' Complicity as an example.
The author strives both to establish and to undermine the notions of paternity,
intertextuality and artistic community, and aims at refuting Scotland's political
and cultural subservience to England. The biblical intertext is the basis
for an exercise on the theme of (literary) creation, the power of the creator,
by conjuring, erasing and superimposing various competitive figures of paternity.
The thriller element is to be used as a guideline for the reader's quest,
a quest for a part to play in the novel itself, which may be that of the
accomplice.
L'écriture palimpsestueuse d'Anita
Brookner : de la transtextualité à l'autotextualité
(R. Vidaud)
La présence au sein des romans
d'Anita Brookner de très nombreuses et très diverses manifestations
"palimpsestueuses" soulève inévitablement la question de la
filiation littéraire de l'uvre. Cette multiplicité apparente
dissimule-t-elle une paternité fondamentale et fédératrice
d'où émanerait le texte citant mais aussi les textes qu'il
convoque ? Le fait que les récits de Brookner se ressemblent
tous ne nous invite-t-il pas à penser qu'ils se génèrent
à partir de quelque matrice archétypale, rôle que le
mythe de la Dame d'Astolat de Lord Alfred Tennyson pourrait tenir à
merveille? En réalité, l'usage qui est fait du patrimoine textuel
est très particulier et consiste plutôt à se l'accaparer
en le faisant entrer dans son univers solipsistique, de telle sorte que
répéter autrui revient à se répéter
soi-même. Le recours aux mêmes références
transtextuelles favorise en fait l'auto-génération du texte
ou autotextualité et c'est la raison pour laquelle il n'est pas faux
de parler de gémellité pour traduire ce qui unit les
différents romans dans lesquels se réverbère constamment
l'oeuvre tout entière.
Anita Brookner's palimpsestuous writing: from
transtextuality to autotextuality
There always being in Anita Brookner's novels very
numerous, frequent and diversified "palimpsestuous" occurrences inevitably
raises the question as to which literary heritage her work belongs to. Can
it be said that all her narratives along with all chose which they quote
emanate from some fundamental original text, the existence of which we cannot
perceive immediately, blurred as it is by the teeming literary references?
Considering that they are very similar to one another, are we not led into
thinking that the novelist's different stories are hatched in a single cocoon
which could ideally be embodied by Lord Alfred Tennyson's "Lady of Shalott"?
As a matter of fact, Brookner's use of the literary corpus is so specific
that it consists in incorporating it into her solipsistic universe to the
extent that repeating somebody else's text is eventually tantamount to repeating
her own text. Her resorting to recurrent similar transtextual references
actually enables the Brooknerian text to generate itself, a phenomenon which
we shall call autotextuality, and which is the reason why the bond between
her various novels appears as a kind of real kinship, and her whole work
even seems to reverberate itself in each of them
constantly.
The
Wild
Girl
de Michèle Roberts : quel "cinquième Évangile" ?
(E. Wanquet)
The
Wild Girl de Michèle
Roberts se présente comme un cinquième Évangile, une
autre version des événements du passé, écrite
du point de vue de Marie de Magdala. L'auteur se livre à une
réécriture du Nouveau Testament, en fondant son discours sur
les Évangiles gnostiques. En privilégiant le point de vue de
Marie de Magdala et en renforçant le symbolisme féminin des
Évangiles gnostiques, Roberts réintroduit l'élément
féminin qui, dès le troisième siècle,
disparut des Évangiles
sélectionnés pour figurer dans le Nouveau Testament. En
dénonçant le rôle joué par ce mythe fondateur
dans une stratégie du pouvoir qui soutient le partiarcat, ce roman
ouvertement féministe vise à produire une nouvelle conception
du sujet humain. La déconstruction d'un mythe devient la création
d'un nouveau mythe réécrivant le
réel.
The
Wild
Girl
by Michèle Roberts. a "fifth Gospel"?
The
Wild Girl
by
Michèle Roberts presents itself as being a fifth Gospel, a new version
of past events, written from the point of view of Mary Magdalene. The author
bases her re-writing of the New Testament on the Gnostic Gospels. By favouring
Mary Magdalene's vision and by emphasizing the feminine symbolism present
in the Gnostic Gospels, Roberts reintroduces the feminine element which,
as early as the third century, was excluded from the texts selected by orthodox
Christianity to form the canon of Holy Scripture. By denouncing the doctrines
of the New Testament as upholding patriarchy, this overtly feminist novel
participates in the creation of new patterns of meaning concerning the human
subject. As she dissects a myth, Roberts creates a new one, rewriting what
is accepted as reality.
Paternité fantasmatique dans les nouvelles
de Graham Swift (R. Pédot)
La paternité ne va jamais
de soi dans les nouvelles de Graham Swift. Stérilité, fausse
couche, adultère, enfants monstrueux sont parmi les causes les plus
tangibles qui la compromettent. La récurrence de tels ratages conduit
à s'interroger sur leur importance non plus seulement descriptive
(des rapports humains) ou symbolique mais surtout fantasmatique et à
se demander si la paternité échouée n'est pas une
figure-matrice (Lyotard) de ces
récits. Le terme "matrice" n'est pas hasardeux, si l'on songe à
la hantise du redoutable pouvoir féminin de donner la vie (et donc
de la refuser ou de donner la mort à la place - à
sa place) qui traverse les nouvelles
tandis que la paternité, elle, n'est jamais assurée, au mieux,
que par le fantasme de (ou d'être) l'origine. En changeant de niveau
d'analyse, on constate de plus que la distinction création (masculine)
et procréation (féminine) est sans cesse déconstruite
dans ce que l'on pourrait appeler l'auto-accouchement du
créateur/narrateur.
Fantastical fatherhood in Graham Swift's short
stories
Fatherhood is never to be taken for granted in Graham
Swift's short stories. Among the most obvious sources of confusion are sterility,
miscarriage, adultery, monstrous births. The recurrence of such misfires
is not merely descriptive of the vagaries of human relationships, or simply
symbolical, but hints at the possible disruptive influence of fantasy; failed
fatherhood then might be a fantastical matrix (Lyotard's
figure-matrice) for these stories.
Matrix is no haphazard term here,
given the awe of woman's tremendous power to give birth - and by the same
token to deny it or to give death in
its
very place -that pervades
the stories, whereas fatherhood has at best only the fantasy of being the
origin, the fantasy of origins, to go on. This in turn deconstructs the antinomy
of (masculine) creation and (feminine) procreation through what reads like
the creator/narrator's labour and self-delivery.
Du
postmodernisme au romantisme: Time's Arrow de Martin Amis (J.-
M. Ganteau)
Cet article se fonde sur une analyse
de Time's Arrow, roman qui, comme
son titre le laisse entrevoir, travaille sur l'inversion du flux temporel.
Cela étant, malgré des apparences subversives, ce texte s'inscrit
dans la continuité de récits traditionnels et ne remet pas
en cause le principe téléologique qui assure une lecture non
fragmentée du roman. Toutefois, il faut souligner la multitude de
transgressions et de subversions que génère l'inversion du
flux temporel, au premier rang desquelles une inversion de la causalité
et un réapprentissage de la lecture, le tout pour figurer un phantasme
de blanchiment de la conscience criminelle et de la langue.
Time's Arrow, en vertu de la
dualité de sa structure et des postures de lecture qu'il entraîne,
est fondamentalement un récit du bégaiement qui met en scène
une tentative d'abolition de la paternité (et de la causalité),
tout en se revendiquant d'une esthétique romantique: celle qui voit
dans l'enfant le père de l'homme et qui, au moyen de procédés
expressionnistes, tente de tout dire.
Postmodernism
to Romanticism: Martin Amis's Time's Arrow
This article is based on a textual analysis of
Time's Arrow, a novel which, as
the title may suggest, is concerned with the inversion of temporality. However,
despite a subversive appearance, the novel is not devoid of the specificities
which are consistency-inducing in traditional narratives since, in the last
analysis, it does not abolish the principle of teleological orientation.
Yet, many transgressions derive from the inversion of the arrow of time,
among which the inversion of causality and an altogether new reading situation,
both being means to suggest the notion of the laundering of criminal conscience
and of language. Owing to its dual
structure and of the duality of the reading posture that it exacts, the novel
is fundamentally concerned with narrative stammering (in the Deleuzian
acceptation of the term) and tries to stage an attempt at jettisoning causality
and paternity, while acknowledging a romantic inheritance. In fact,
Time's Arrow postulates that the
child is father of the man and, at the same time, resorts to expressionist
techniques so as to - in true romantic fashion - say everything about "The
Nature of the Offence".