Ebc10 

résumés / abstracts

Bernard Gensane, "Les moyens de la fin : quelques pistes."
Jan Borm, "Clore un récit de voyage."
Dominique Vinet, "William Boyd : l'échouage du récit dans l'épilogue."
Sophie Massé, "La clôture comme ouverture d'un infini dans Midnight's Children."
Bernard Gilbert, "La fin de Kim : la fin de quoi ?"
Christine Reynier, "La clôture différée dans The Waves."
Corinne Alexandre-Garnier, "Durrell : la clôture impossible ?"
Jean-Michel Ganteau, "Conservatively ever after ? Clôture et représentation de la foi dans les romans de David Lodge."
Alain Blayac, "Clore un texte : à propos de Jeffrey Archer et de la nouvelle 'One Man's Meat'."

Les moyens de la fin : quelques pistes

Bernard GENSANE (Université de Poitiers)

Les problèmes posés par les techniques de clôture sont indissociables de la composition, de la configuration (Ricoeur) des textes dans leur ensemble. Le soupçon qui, depuis plusieurs décennies, a fondu sur la fiction, apparaît dans les difficultés qu'ont les créateurs à conclure, et les exégètes à disserter sur les fins.
Après Frank Kermode (The Sense of an Ending), Philippe Hamon ("Clausules"), Armine Kotin Mortimer (La clôture narrative), et Guy Laroux (Le Mot de la fin. La clôture romanesque en question), on réfléchit ici à la fin en tant que terminaison, finition et finalité des textes. Avec Levi-Strauss, on retient également le côté rituel de tout excipit, sans oublier que toute clôture est un dénouement, c'est-à-dire le point de fuite de résultantes. Bien qu'étant une nécessité arbitraire, finir, c'est donner un ordre final à l'ordre, imposer un ordre au chaos, un temps organique au temps chronologique.

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Endings and Means

The problems raised by the endings in works of fiction are not separable from the composition and the configuration (Ricoeur) of texts as totalities. The suspicion which, in the last decades, has born down on fiction appears in the difficulties faced by creators to conclude and by exegetes to dissert on endings.
In the wake of Frank Kermode (The sense of an Ending), Philippe Hamon ("Clausules"), Armine Kotin-Mortimer (La clôture narrative), Guy Laroux (Le Mot de la fin. La clôture romanesque en question), one discusses here the ending of texts of fiction as they are finished, finite and finalized. Besides, Levi-Strauss reminds us of the ritual character of all excipit and one does not forget that an ending is always a dénouement, the vanishing point of resultant forces. Although an arbitrary necessity, to finish is to give an ultimate command to order, to impose a specific order on chaos, an organic end on chronological time.


Clore un récit de voyage

Jan Borm (Université de Picardie)

Partant de l'analyse de deux récits de voyage britanniques de ce siècle The Road to Oxiana (1937) de Robert Byron et In Patagonia (1977) de Bruce Chatwin nous observons que le genre récit de voyage est intimement lié à la notion de la quête et à celle du retour. Une des conventions génériques du récit de voyage consiste à raconter à la fin du texte le retour du voyageur=narrateur=auteur. Or, si Byron garde les apparences de cette convention, Chatwin s'en éloigne en terminant son récit sur une note d'ouverture dans la mesure où le point de départ du récit n'est ni atteint ni évoqué à la fin du livre. Ainsi, Chatwin souligne davantage la notion de l'errance qu'un retour sécurisant à la fin de son périple tout en inaugurant un certain renouveau qu'a connu la littérature de voyage britannique contemporaine depuis.

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Travel Books' Endings

An analysis of two British travel books of this century Robert Byron's The Road to Oxiana (1937) and Bruce Chatwin's In Patagonia (1977) serves as a base to illustrate that the genre of the travel book is closely linked to the notions of quest and return. One of the travel book's generic conventions has been to present the traveller's return to his starting point at the end of the book. Whereas Byron seems to respect this convention, Chatwin takes his leave from it by on open ending that neither presents nor mentions his return. Thus he puts the stress on his wanderings rather than on the idea of a reassuring return, triggering off what was to become the renewal of the British travel book.


William Boyd : l'échouage du récit dans l'épilogue

Dominique VINET (Université de Bordeaux IV, Tech de Co)

les dernières pages des trois oeuvres majeures de William Boyd, The New Confessions, Brazzaville Beach et The Blue Afternoon s'ouvrent sur un nouvel espace-temps où le récit s'échoue sur une grève mythique. Le narrateur-personnage est venu chercher un signe du destin dans la turbulence des éléments mais le lecteur n'y voit qu'incertitude. C'est alors qu'apparaît le chaos du déséquilibre mental du narrateur, ce qui invite à reconsidérer l'histoire, à mettre en doute une diégèse que l'auteur n'a cessé de rompre pour la parsemer d'indices révélateurs de la psychose des personnages. Boyd suggère à la fin de chaque roman qu'il n'y a pas de vérité unique, et nous comprenons qu'on nous a proposé une version faussée par la schizophrénie ou la paranoïa du narrateur dont le statut ambigu porte les germes de la duplicité. Le cadre énonciatif apparaît alors comme un labyrinthe : la sortie nous ramène au point de départ et nous invite à une relecture destinée à repérer les zones d'ombre dans le récit et les signes cliniques qui nous permettront de repérer les comportements aberrants du narrateur pour mieux décrypter l'histoire, ceci au risque de déformer l'image au regard de nos propres psychoses.

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William Boyd : stranding the narrative in the epilogue

The last pages of William Boyd's three major novels, The New Confessions, Brazzaville Beach and The Blue Afternoon open on to a new space-time in which the narrative is stranded on a mythic shore. The character-narrator ends up there in pursuit of a sign from destiny in the turmoil of the elements but the reader only has a sense of uncertainty. That is when the chaos of the narrator's mental imbalance appears, which invites him to revisit the story, to question a diegesis that the writer has been interrupting all along to intersperse it with hints revealing the characters' psychosis. At the end of each novel, Boyd suggests that there is not one single truth, and we understand that the version presented is biased by the schizophrenia or paranoia of a narrator whose ambiguous status bears the germs of duplicity. The narrative background then appears as a labyrinth: the exit takes us back to the starting point and invites us to re-read the novel to check the dark areas in the narrative and the hardly visible signs permitting to spot the narrator's deviant behaviour with a view to deciphering the story, even though this means tuning it in to our own psychoses.


La clôture comme ouverture d'un infini dans Midnight's Children

Sophie MASSE (Université Paul Valéry - Montpellier)

Il s'agit ici de s'intéresser aux tours inattendus que peut prendre la notion de clôture. Le parti-pris de départ a été de la définir par rapport à la notion d'ouverture telle qu'elle est présentée dans L'oeuvre ouverte d'Umberto Eco. En effet, la clôture n'y apparaît pas seulement comme l'antithèse de l'ouverture, mais aussi comme l'ouverture d'un infini au sein d'une forme finie, faisant de la clôture une notion extrêmement ambigüe. On retrouve le même type d'ambivalence dans la manière dont fonctionne l'univers du récit dans Midnight's Children. A l'image de l'univers tel qu'il apparaît dans la cosmogonie hindoue, l'univers du récit procède non pas d'une force cohésive, mais essentiellement d'une force désintégrante. La hiérarchie qualitative entre cohésion et éclatement et, de là, entre clôture et ouverture, se trouve, une fois de plus, remise en cause, voire inversée. Il en va de même de la fonction du narrateur qui, bien que représentatif de la notion d'ouverture, fait office de force cohésive au sens où il ramasse le récit au sein de son individualité. Lorsque celui-ci s'éclipse, l'univers de la fiction de désagrège et retourne à un désordre élémentaire. La clôture finale dans Midnight's Children illustre alors ce phénomène d'ouverture libérant l'infini jusque-là contenu dans la forme qu'est le récit.

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abstract:

The starting point of this paper is to draw a definition of the notion of closure from the notion of opening as defined in Umberto Eco's L'oeuvre ouverte. Closure is presented, among other aspects, as the opening of a non-finite dimension within a finite form. The ambiguity and ambivalence that such a perspective introduces, also characterize Midnight's Children's fictional universe, for the latter does not originally proceed from a cohesive agent but from a fragmenting one. These notions of cohesion and fragmentation (and consequently of closure and opening) are once again questioned, in some way, reversed. This also applies to the narrator's function: while being the embodiment of a fragmenting process, he acts as a cohesive agent, holding the narrative together within the bounds of his individuality. When he slips away, the fictional universe disintegrates and reverts to primeval chaos. Final closure in Midnight's Children therefore illustrates this process of opening which releases the non-finite universe formerly contained within both narrator and narrative.


La fin de Kim de Kipling : la fin de quoi ?

Bernard GILBERT (Université Michel de Montaigne - Bordeaux III)

Le titre que Lodge donne à un chapitre de Working with Structuralism nous introduit à la contradiction qui tente de résoudre la clausule de Kim. L'opposition que Lodge constate entre le désir de "happy ending" du lecteur et le devoir d'authenticité de l'auteur, recoupe, à la fin du livre, le choc du scepticisme occidental de Kim et du spiritualisme oriental du Lama.
Dans une fin ouverte, Kipling transmue le lecteur en "Friend of all the Worlds", abolissant les contraires. Par la victoire de l'esprit Bouddhique sur la lettre, il élargit le Salut, déconstruit la Mort, donne le dernier mot à l'Amour ("Beloved").
Kim n'est alors plus fini, ni comme texte ni comme homme. Le transfert s'opère du Conservateur au Lama et enfin à Kim qui reçoit la Clé de Vie ("Let him be a scribe"). L'autobiographie (Something of Myself) révélera comment Kipling réhabilite ainsi ses origines, et retrouve le Père dans cette conspiration créatrice. La fin de Kim s'inscrit au nombre de celles que Lodge attribue aux chefs-d'oeuvre qui s'achèvent "with a sense of life going on".

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abstract :

The title that Lodge gives to a chapter of Working with Structuralism introduces us to the difficulties that the ending of Kim tries to solve. The contradiction that Lodge diagnoses between the reader's craving for a happy ending and the writer's desire of authenticity is reverberated, in the end of the book, in the shock between the protagonist's western scepticism and the Lama's oriental spiritualism.
In this open ending Kipling magnifies the reader into "a Friend of all the Worlds" by ending all antagonisms. The Buddhist spirit overcomes the letter, Salvation is enlarged, Death is deconstructed, and "Beloved" is the book's final word.
Kim,
then, is no longer finished, neither as a living man not as a living text. The transference succeeds between the Curator, the Lama and Kim who is given the Key of Life '"Let him be a scribe"). Kipling's autobiography, Something of Myself, will finally reveal how the author rehabilitates his own origins and claims back his father who conspires with him to bless Kim's creation.
The end of Kim echoes Lodge's definition of masterpieces, ending "with a sense of life going on".


La clôture différée dans The Waves

Christine REYNIER (Université de Pau)

Aborder le problème de la clôture dans The Waves, c'est entrer au coeur de sa nature paradoxale et protéiforme. La façon dont Virginia Woolf clôt ou ne clôt pas le texte traduit ses choix esthétiques, son désir de ne pas figer le sens. Si le texte est miné, c'est en partie parce que s'y expriment les désirs antagonistes d'éliminer et de conserver une clôture. En renonçant à la clôture, The Waves renonce aux limites claires de la fiction et aux codes qui la régissent et ce faisant, entre dans un monde sans limitation, certes, mais aussi sans garde-fou. Le texte oscille entre clôture et ouverture, entre saturation, dissémination et déperdition du sens, entre extase et angoisse et est finalement pris dans un tourbillon dont le centre est partout et la circonférence nulle part.

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The Deferring of Closure in The Waves

To deal with closure in The Waves is to tackle the contradictions of that multi-layered work of art. Closure is combined with absence of closure in The Waves. Moreover the absence of closure is both synonymous with freedom from literary conventions and with absence of all convention. And in the text can be read a yearning for that freedom as well as a yearning for lost conventions. The opacity of the text and the instability of the meaning is partly due to such paradoxical aesthetic choices. In an ebb-and-flow movement, the text oscillates between closure and absence of closure, between saturation and loss of meaning, between ecstasy and anguish. It is caught in a whirl whose centre is everywhere and circumference nowhere.


Durrell : La clôture impossible ?

Corinne Alexandre-Garnier (Université Paris X - Nanterre)

Goodbye, le mot ultime du dernier livre de Lawrence Durrell , Caesar's Vast Ghost , énonce la fin de sa carrière d'écriture qui devait coïncider avec la fin de sa vie. Néanmoins, malgré sa démarche qui annonce la fin du texte comme Jabès, l'auteur ne parvient pas à être quitte de l'écriture. A travers l'étude des protocoles de clôture des volumes du Alexandria Quartet et du Avignon Quintet ainsi que des dernières lignes du dernier roman, on en vient à se poser cette question plus générale: est-il toujours possible de clore un texte ? Il arrive que le suicide d'un écrivain nous indique que la tentative pour écrire l'indicible est vouée à l'échec, et que, pour mettre un terme à son oeuvre il faille parfois mettre un terme à sa vie, lorsque ce qui est en jeu est l'irreprésentable.

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Abstract:

Lawrence Durrell's last book Caesar's Vast Ghost ends with the word "Goodbye" which not only anounced the end of his writing career, but also the end of his life. However, unlike Jabès, Durrell might not have succeeded in bringing his ultimate text to its anounced term. Through the analysis of the endings of the different volumes of The Alexandria Quartet and The Avignon Quintet and particularly the last paragraph of the ultimate novel, one comes to wonder about the possibility of ever bringing some texts to an end. Thus the suicide of writers who tried to describe their experience of utter destruction indicates that ending one's life may sometimes be the only way of ending a text which cannot ever be terminated because it deals with the irrepresentable.


Conservatively ever after ? Clôture et représentation de la foi dans les romans de David Lodge

Jean-Michel Ganteau (Université de Montpellier 3)

Cet article propose une typologie des dix romans de David Lodge, selon la perspective de leur clôture. Cette analyse permet d'établir que l'irrésolution textuelle trahit un sentiment de révolte du romancier contre les préceptes moraux de sa communauté religieuse, alors que les fins doubles ou fermées, ayant recours à la figure traditionnelle du nostos et célébrant les vertus du mariage, manifestent une acceptation des valeurs communautaires et morales qui va de pair avec le conservatisme de la comédie. Surtout, il apparaît qu'au moyen de fins hyperboliquement euphoriques, Lodge utilise un topos de la romance comme outil discret d'investigation spirituelle dans des romans réalistes. Dans la fin des romans se cristallise le problème de la représentation de la foi et de la redéfinition du roman catholique.

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abstract:

This article establishes a typology of David Lodge's novels based on their endings. This analysis points to an association between textual openness and the novelist's revolt against the moral teachings of his religious community on the one hand. On the other hand, double and closed endings celebrating the virtues of the nostos and of the "marriage knot" tend to evince the author's acceptance of his community's moral values, ie. strong sense of closure is associated with the conservatism inherent in comedy. Moreover, through the means of hyperbolically euphoric endings, Lodge borrows a topos from the romance to promote a discreet element of spiritual investigation in his realistic novels. Endings are one of the privileged places where David Lodge tackles the problem of the representation of faith the better to offer a redefinition of the Catholic novel.


Clore un texte : à propos de la nouvelle de Jeffrey Archer, "One Man's Meat"

Alain BLAYAC (Université Paul Valéry - Montpellier III)

Sir Jeffrey Archer, ancien athlète passé de la politique à l'écriture, est l'auteur de best-sellers, romans de gare ou d'aéroport, qui font de lui l'écrivain le mieux payé du monde. La nouvelle "One Man's Meat" tirée du recueil Twelve Red Herrings, illustre son souci premier, gagner de l'argent en s'appuyant sur les recettes du best-seller.
Ici, art et message passent au second plan. Tout est fait pour attirer le plus large public en lui donnant, par exemple, la liberté de choisir son propre menu ("meat") et en mettant à sa disposition quatre conclusions alternatives susceptibles de satisfaire tous les goûts (des féministes aux tenants de la "political correctness").
On mesure ainsi la dérive de l'édition contemporaine mondialisée, réduite à une production de masse fondée sur le marketing le plus mercantile. Ici disparaît la Littérature et la grande cuisine des chefs d'oeuvre est supplantée par des produits de masse "light" et les "fast foods" d'anecdotes pauvres et banales.

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Concluding a Story : about Jeffrey Archer's Short Story "One Man's Meat"

Sir Jeffrey Archer, a former athlete and defector from politics to writing, writes best-selling airport novels which make him one of the best-paid fiction-writers in the world. His short story "One Man's Meat" (in Twelve Red Herrings) illustrates his prime concern - make money - thanks to the recipes of the best seller.
Here art and the message are forgotten notions. Everything is done to attract the widest possible public. The reader can choose his own menu ("meat") as the story is provided with four alternative endings pandering to all tastes (feminist and politically correct among them).
The story offers a saddening illustration of worldly publishing manners with houses banking on the tritest notions of marketing. "One Man's Meat" heralds the end of a literature in which the cuisine of art is superseded by the "light" products and the fast foods of second rate banal anecdotes.