(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 2. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1993)
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La ville et la mer dans Haroun and the Sea of Stories,
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12 et physiques de son existence. Dans cette ascension, semblable à celle de Haroun, vers une sphère moins tangible mais plus exaltante, où l'on peut se surpasser, l'impossible devient réalisable et la vie revêt alors une qualité, une substance et un accomplissement qu'une vie purement matérielle et unidimensionnelle ne peut accomplir. Partie du drame de la perte de la faculté de raconter des histoires, Rashid Khalifa et son fils Haroun vont alors se baigner dans l'élément liquide à la conquête de la parole perdue. Ce voyage est motivé par la disparition simultanée de Soraya la femme de Rashid et le sentiment de culpabilité qu'éprouve Haroun qui se croit responsable de cette tragédie. Sa faute est d'avoir osé paraphraser l'Ennemi de la Parole quand ce dernier se demandait :
Comme dans la plupart des créations artistiques, qui partent souvent d'une interrogation, cette fois-ci la question porte sur l'écriture elle-même, son rôle, son utilité, sa technique et le plaisir qu'elle procure.
Haroun and the Sea of Stories est un roman qui se prête à différentes lectures et à plusieurs degrés délimités par une histoire qu'on peut raconter aux enfants d'un côté et une autre qui traite de la question fondamentale du droit d'expression et de son contraire. La gestion des paradoxes semble être la démarche suivie par l'auteur qui fait de la bipolarité du discours l'essence de ses écrits en général et de Haroun and the Sea of Stories en particulier. L'élément solide contre l'élément liquide (la ville et la mer), le bien et le mal, la lumière et l'obscurité, la tolérance et son contraire sont les termes de cette parabole. Dans cette ville la tristesse semble s'abattre sur les gens comme la peste et envahir non seulement leur espace vital mais aussi leur circuit économique avec des usines fabriquant de la tristesse, et la vie politique avec ses prérogatives bassement mercantiles. Les politiciens ne trouvent d'autres moyens pour parvenir à leurs buts que la manipulation et la mise en scène. C'est dire l'intérêt que portent les gens à la littérature et le pouvoir du verbe dans une société que l'on pourrait qualifier de philistine. Cet attachement au mot écrit ou parlé va affecter la vie de Rashid Khalifa et motiver Haroun dans sa détermination à restaurer le pouvoir de son père. Tout commence lorsque Soraya, mère de Haroun et épouse de Rashid, prend le large - sans jeu de mots - sans raisons apparentes et plonge la famille dans un désarroi tellement fort que le Temps s'immobilise. Dès lors père et fils se confondent pour ne faire qu'une personne et partir dans un autre monde, là où l'élément liquide domine.
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13 L'eau est synonyme de maniabilité, de métamorphose, d'émerveillement, d'émotions, de tragédie, de comédies, de romantisme, d'aventure, de possibilités infinies de transcendance et de vie. L'opposition entre le monde tangible et le monde de l'imaginaire, entre la ville et la mer, est une opposition entre la vie et la mort, toutes deux antithétiques mais paradoxalement indispensables l'une à l'autre. Ainsi l'histoire de Haroun part d'un lieu, d'un espace apocalyptique où la tristesse se substitue à la vie et où la stérilité dans le verbe accentue le chagrin et la misère de l'homme. L'histoire part aussi d'un Temps synonyme de monotonie avant de s'immobiliser à Onze heures précises pour laisser place au Temps de l'aventure qui ne peut être mesuré tant il échappe à la rigidité et aux contraintes de l'espace clos de la ville. Le Temps plongé - à l'image des montres molles de Salvador Dali - dans l'élément liquide devient incommensurable, extensible et maniable. Cette évolution finit par un troisième Temps: celui du retour triomphal à la ville et du rétablissement du pouvoir de l'horloge et par conséquent celui de l'Histoire.
Haroun and the Sea of Stories est un roman qui a l'Écriture pour thème principal. Nous avons toutes les composantes du livre dans son aspect matériel pour former à la fois le lieu et les personnages autour desquels se déroule l'action. La géographie qui semble indéfinissable et énigmatique ne l'est pas pour autant car le pays s'appelle Alifbay (ou Alphabet) et les villes qui le composent ont juste des lettres de l'alphabet comme noms. Traverser ces villes est en quelque sorte relier les lettres entres elles et concevoir un texte qu'on peut appeler histoire ou "Kahani". Ainsi le roman s'écrit par lui-même et les histoires varient selon l'itinéraire emprunté. Arrivés sur la planète "Kahani", nous voilà au cÏur d'un livre bien structuré tout d'abord dans sa forme avec une organisation parfaite et des lois qui semblent être respectées par tous. Quant aux pages de ce livre, se sont des soldats prêts à défendre leur territoire contre le danger de pollution qui les menace. Rien de plus naturel alors que d'avoir un général Kitab à la tête de cette armée hors du commun. Kitab qui tout simplement veut dire "Livre" en Persan. Les seuls autres personnages "extra-livre" sont Haroun et Rashid qui à notre sens ne peuvent être dissociés tant leurs deux noms n'en font qu'un "Haroun Rashid" celui du Calife abbasside sous le règne duquel (786-809) Bagdad devint un centre florissant d'arts, de lettres et de sciences. Ainsi père et fils, Haroun et Rashid, Rashid et Haroun sont une variation du même personnage ayant la même imagination qui s'est traduite par le même "rêve". Quant au fond de ce livre, il est insaisissable compte tenu du caractère fluide de ses éléments. Les personnages naviguent sur un Océan d'histoires qui s'entremêlent et qui à travers leur enchevêtrement favorisent la création de nouvelles histoires et ce processus peut continuer jusqu'à l'infini. |
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La fertilité de cet Océan et les possibilités qu'il recèle peuvent être mises en danger par les pollueurs dont l'existence même dépend de l'anéantissement d'autrui; ce qui nous ramène sur le terrain favori de Rushdie, celui de la confrontation et de la gestion des paradoxes. Les oppositions dans les oeuvres de Rushdie n'ont jamais été aussi tranchantes pour devenir presque agressives. D'un côté, nous avons le monde du bien, de la lumière, du dialogue, de la liberté d'expression, de l'amour et en termes politiques de la démocratie puisque les décisions sont prises suite à un dialogue, et finalement un monde de gaieté. Une gaieté dont la musique et le chant sont quelques-unes de ses expressions qui nous servent aussi de moyen d'identification de certains personnages (Soraya et Batcheat), de lien entre le monde imaginaire et le monde "réel". De l'autre côté, nous avons le monde du mal, de l'obscurité (ou obscurantisme), du dogmatisme, du culte de la personne, de l'absence de dialogue et de présence feminine et surtout de l'absence de parole. Le premier est baigné dans une lumière permanente qui éclaire la vision et l'esprit, le deuxième fait de l'obscurité une raison d'être et l'ossature sans laquelle ce monde s'écroulerait. Que ce soit en vers ou en prose, les personnages du monde de la lumière ont différentes formes de langage. Il y en a même qui parlent sans ouvrir la bouche - ou plutôt "le bec" puisqu'il s'agit d'un oiseau - et qui arrivent tout de même à se faire comprendre. D'autres ont des bouches qui leur couvrent tout le corps tels les poissons appelés Blabbermouth. Rushdie utilise souvent les poissons en tant que symbole de liberté comme dans la parabole du Poisson et du Pêcheur dans Shame, le poisson qui refuse de mordre et qui résiste à l'appel de l'appât après s'être aperçu des mauvaises intentions du pêcheur qui lui sont communiquées à travers la canne et la ligne. L'association de l'élément liquide à la liberté de pensée place la parabole sur un terrain hautement didactique afin de débattre de questions telles que la tolérance, le dogmatisme, la nature du sacré et celle du profane comme l'explique Rushdie :
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De l'autre côté de la rive se trouve la ville de l'anti-livre, de l'anti-parole et de l'anti-vie. Un mur sépare les deux, qui sans être tout à fait étanche guarantit l'intégrité de chaque territoire jusqu'au jour où les "Bouches Cousues", "Zipped Lips" avec le Maître du Culte, Khattam-shud, Maître de Bezaban (sans langue), décident de passer outre ses frontières pour tenter d'imposer leurs dictats sur les autres. Ce dépassement ne fait qu'accentuer l'intolérance de ce monde obscur où la dissidence et la désertion de Shadow Warrior permettent de voir les failles de ce système de valeur qui ne doit son existence qu'à l'assujettissement et l'embrigadement de l'autre, d'où la confrontation entre Chup ville et Gup ville. Si l'on place cette confrontation sur le terrain des valeurs, nous constaterons que le roman se situe au coeur de la problématique de l'écriture au sein d'un contexte hostile. Le Temps alors, s'immobilise, reste suspendu dès l'instant où Rashid perd le pouvoir de raconter des histoires; c'est aussi l'Histoire qui se fige et s'arrête à onze heures pour que le temps de l'aventure puisse favoriser la création artistique. Ainsi le roman constitue le moyen de rompre avec une monotonie mortelle et transporte aussi bien le romancier que le lecteur sur une autre planète dans une autre dimension, là où l'imagination a libre cours et toutes les émotions, les débats, les interrogations et les miracles deviennent possibles. Rushdie déclare à ce propos :
La fin du débat nous est présentée en termes de Khattam-shud (fin) un choix de mot qui n'est sans doute pas arbitraire et qui, du fait qu'il est emprunté au persan, prend encore plus de signification tant il est chargé d'implications politiques. ____________
2. RUSHDIE, S. Imaginary Homelands, pp. 422-423.
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16 Entre Onze heures et Onze heures plus, quelques fractions de seconde, l'espace d'une absence, Rushdie nous fait explorer l'espace conflictuel des antagonismes, des conceptions et des concepts pour permettre au roman de remplir sa fonction, celle de permettre à différents langages, différentes valeurs et narrations de se quereller (et le mot n'est pas trop fort) et démontrer le rapport conflictuel intrinsèque à ses antagonismes. Pour que le roman échappe à l'absolutisme et au totalitarisme d'un seul langage, d'un seul mode de pensée, Rushdie insiste sur la liberté de décrire et d'analyser le combat entre les différents protagonistes sans imposer sa propre conception des faits. Le roman ne doit pas alors dépasser son rôle de médiation entre le matériel et le spirituel, et de célébration de la liberté individuelle, celle de pouvoir mettre dos à dos et parfois face à face les paradoxes sans lesquels le roman perd une partie de sa vocation. Cette mission didactique s'ajoute à celle de l'émerveillement et de la transcendance que l'expérience de Rashid et Haroun illustre parfaitement. Haroun et son père ont effectué plusieurs périples dans un monde qui malgré les éléments féériques et fantasmagoriques qu'il comporte reste profondément réaliste et d'actualité. La part du "rêve" et de la "réalité" est difficile à quantifier et à délimiter à l'image de la réflexion de Haroun, "[who] knew what he knew that the real world was full of magic, so magical worlds could easily be real" (HSS 50). Rêve et réalité s'entremêlent et l'auteur nous le prouve à travers le parallèle entre les personnages supposés imaginaires et les autres supposés réels. Nous apprenons que Soraya, la femme de Rashid, chantait jusqu'au jour où la tristesse, ou la pollution, s'est infiltrée de force à travers les fenêtres de la maison pour envahir son coeur et la contraindre à cesser de chanter brutalement :
Rappelons qu'il était Onze heures. Ce coup d'arrêt marque le début de l'instabilité et de l'aridité verbale qui va envahir Rashid. Cet incident est reproduit dans le rêve par le biais de Batcheat la chanteuse enlevée tout comme Soraya et transportée par des mains invisibles mais suffisamment puissantes pour nuire à l'harmonie d'une famille et provoquer des réactions en chaîne. Ce même personnage qui a introduit la tristesse dans la maison, on le retrouve tout au moins son signalement dans le rêve, en la personne du Cultmaster quand Haroun s'exclame en le voyant : |
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Cultmaster et Sengupta sont décrits exactement dans les mêmes termes et sont coupables des mêmes faits ou méfaits, aussi bien dans le rêve que dans la réalité. Où commence l'un et où s'arrête l'autre, telle est la question à laquelle il serait futile de répondre car c'est dans cette zone intermédiaire entre réalité et fiction que le roman trouve sa source. La perméabilité de ces deux mondes apporte à l'écrivain une plus grande marge de manoeuvre et donne à son discours une maniabilité et une souplesse qui lui permettent de s'infiltrer à travers les forteresses qui gardent et protègent les dogmes, et cela avec une certaine légitimité que seuls les pouvoirs anti-parole essaieront d'anéantir. Le retour à la ville triste qui a fini par retrouver son nom, "Kahani", et qui n'est autre que la ville du rêve, permet au parallèle de devenir cercle où partant d'un point nous revenons forcément au même point et cela quelle que soit la nature du parcours effectué entre les deux points. Rêve et réalité peuvent être échangés sans qu'il y ait de schisme et ainsi la fiction remplit son rôle, selon Rushdie :
Comment, au vu de cette définition, ne pas voir des éléments autobiographiques dans l'histoire de Haroun et Rashid ? Ce roman est écrit, alors que Rushdie est prisonnier dans sa maison incapable de retrouver sa liberté. Pendant ce temps sa femme l'a déjà quitté. Ces faits extra-littéraires qui sont déterminants ne serait-ce que pour le choix du sujet viennent s'ajouter à une multitude d'autres éléments et notamment la situation de l'écrivain et son rapport conflictuel avec ses ennemis. Cette même situation est en soi une définition personnifiée de la nature de l'écriture. Rushdie utilise sa propre expérience pour illustrer sa conception du roman et du rôle qu'il doit jouer. Même si l'on n'a pas d'indications géographiques, mise à part la référence au Cashemire avec un jeu de mots subtile entre "Kache-Mer", là où l'on ne peut plus voir la mer, avec toutes les connotations positives que le mot mer comporte, et "Kosh-Mar" et ses ____________ 4. RUSHDIE, S. In Good Faith, p. 17. |
18 connotations plutôt négatives; pour nous introduire dans une partie du monde qui ne peut en aucun cas se situer en Occident. Quand on ne voit plus de mer, c'est l'aridité qui s'installe, se propage, et alors la confrontation devient inévitable. Rashid ou Rushdie d'un côté et le Maître du culte, la fin de la vie, l'ennemi de la parole, le pollueur en chef qui règne sur des êtres sans langues de l'autre, et nous voilà à la limite d'un fuseau horaire, dans une bande d'obscurité douteuse "Twilight Strip", la scène sur laquelle va se décider l'avenir de l'un ou l'autre des deux mondes. Deux hémisphères séparés par un mur qui, contrairement à celui de Berlin, n'est pas matériel ni destructible à coup de bulldozer. C'est plutôt un mur de valeurs et de convictions diamétralement opposées, un mur qui se dresse dans les têtes pour cacher le côté lumineux, alors il n'est pas étonnant que Rashid le raconteur d'histoires vienne du côté de la lumière pour défendre sa liberté contre l'artifice d'un pouvoir totalitaire qui non seulement impose l'obscurantisme à ses sujets mais tente aussi de s'attaquer à la source de l'eau. Son but est de faire en sorte que la pollution puisse envahir tout l'Océan et étendre la surface obscure pour engloutir le monde dans un uniformisme qui ressemble fort à la mort. Bien que Rushdie vive cette menace de l'intérieur, cela n'a pas entamé sa détermination à combattre ce fléau et à chasser ce "Kosh-mar". L'issue de l'histoire de Rashid/Rushdie nous livre une traduction de cette détermination. Soraya, tout comme son double Batcheat, revient à la maison, la famille peut se réunir à nouveau. Rashid retrouve le pouvoir de raconter des histoires avec un débit oratoire plus important, qui trouve sa source dans sa propre imagination, et nous sommes presque pris du besoin naïf de conclure en disant qu'ils "vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Le soleil brille du haut de son zénith sur Gup ville et l'ennemi est battu, son pouvoir éphémère s'est évaporé. Rashid peut rentrer à nouveau chez lui dans une ville où la gaieté a pris la place de la tristesse, où les gens ont fini par se rappeler du nom de leur ville, Kahani. Un retour qui se fait sous la pluie encore une histoire d'eau :
Une pluie qui tombe comme une absolution, comme pour baptiser un nouveau monde et favoriser l'émergence de nouveaux ruisseaux qui vont se confondre avec l'Océan de Notions. Cette fin positive qui célèbre la victoire des valeurs anti-dogmatiques est en quelque sorte la victoire de Rushdie sur ses détracteurs et le triomphe de la liberté d'expression sur son contraire. Alors le Temps peut reprendre sa progression normale symbolisée par la nouvelle montre que Haroun a trouvée au pied de son lit. Il peut alors affirmer : |
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Soraya/Batcheat peut (peuvent) alors chanter à nouveau. Rushdie nous donne la preuve que l'imagination est le plus grand Océan qui ait jamais existé. Un Océan où tout est vie et lumière, metamorphose et fertilité. Un Océan d'Emotions et de Notions où la vérité est fragmentée, un laboratoire dans lequel elle est disséquée, nuancée, relativisée, expérimentée puis livrée à qui veut bien l'apprécier. Ainsi, le livre devient une version du monde que l'on doit ignorer si on ne l'aime pas ou alors apporter une autre version afin d'assurer la continuité du débat , la limpidité de l'eau, de la vie. Haroun and the Sea of Stories est un hymne à l'écriture et à la vie. Cet article se terminera comme il a commencé, par une citation de Rushdie qui nous interpelle par sa sincérité et sa véracité tant elle nous éclaire sur la conception du roman chez Rushdie et sur le caractère réaliste de Haroun and the Sea of Stories.
La fiction constitue la preuve de plus étrange des paradoxes: elle prouve que l'on peut découvrir dans la non-vérité le fil même de la vérité. Parce que j'aime lire une certaine sorte de livres, qui bien souvent n'ont pas encore été écrits et qui devront bien l'être un jour. Parce que je n'ai pas encore trouvé comment ne pas écrire. Parce que je n'ai pu découvrir de meilleur moyen pour régler mes comptes avec le monde et plus particulièrement avec les aspects de ce monde qui se sont associés, par hasard ou par choix, pour former le "Je" qui s'efforce maintenant de les former à sa propre image. Parce qu'en écrivant j'ai découvert en quoi je crois. Parce que comme tous les immigrés, je dois tout inventer : moi-même, mon univers, tout. Parce qu'il y a des choses qui doivent être dites et d'autres que l'on doit discuter. Ecrire, c'est en partie écrire contre quelque chose; parce que je ne sais jamais pourquoi j'écris sauf lorsque j'écris.
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(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 2. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1993)