(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 12. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1997)

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Scènes de lecture dans Jane Eyre,
To the Lighthouse et Still Life

Chantal Delourme (Université Lille 3)


Ce qui établit la scène de lecture en lieu critique dans le roman me semble relever des affinités qu'elle présente avec les opérations du rêve, à savoir condensation et déplacement. La condensation tient au fait que la scène de lecture relie l'alpha et l'oméga : le roman y propose une fiction de l'origine et y énonce également, en son caractère programmatique, des protocoles de lecture qui serviront de modèles sujets à validation et invalidation et jalonneront la formation du personnage et du lecteur. II y a là scène puisque enjeu de clôture, bouclage, depuis "le livre lu" comme miroir de l'origine jusqu'au "à lire" du livre comme son devenir. Néanmoins cette dynamique est également et paradoxalement condition d'ouverture, de déplacement. La dimension spéculaire ne fait pas seulement de la lecture une galerie des glaces où se croisent des captations imaginaires. Elle fait également de cette unité, que ce soit dans sa dimension dramatique, herméneutique ou phénoménologique, un prisme d'où se diffractent des axes, un lieu névralgique radiant.

    Un lieu de crise

Dans les trois textes que j'ai retenus comme corpus, à savoir Jane Eyre de Charlotte Brontë, To the Lighthouse de Virginia Woolf et Still Life de A.S. Byatt, [1] la scène de lecture, loin d'être une enclave narrative où le personnage rassemblerait une intériorité pacifiée est caractérisée par une intensité dramatique. Elle est lieu d'une crise qui trouve une expression analogique dans la crise du lieu que représente la lecture.

 

Les stratégies de l'inscription spatiale de cette double crise sont différentes dans les trois romans. Dans Jane Eyre elle est mise en scène d'un déplacement. Exclue du cercle

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1. Pour Jane Eyre, les références renverront à l'édition Everyman's Library, 1977 ; pour To the Lighthouse à l'édition Granada, 1979 ; pour Still Life à l'édition Penguin Books, 1986.

 

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familial des Reed, Jane Eyre se glisse hors du salon pour occuper une frontière ("the window scat") qu'elle convertit en lieu lorsqu'elle redouble l'écran de la fenêtre par la partition d'un rideau. Le choix de cet espace sert une représentation du lieu croisé de la lecture, battement entre un être-au-monde et un être-au-livre, de même que le choix du livre (Bewick's Histoty Book of British Birds) permet à la lectrice de se poser en sujet de désir, en "éveilleur et hôte mais jamais propriétaire" (c'est ainsi que Michel de Certeau définit le lecteur) esquivant par là "la loi de chaque texte en particulier, comme celle du milieu social". [2] La loi sera pourtant brutalement rappelée lorsque le fils de la famille, propriétaire du livre qu'une "gentry" déclinante affiche comme son bien culturel punira la lectrice rebelle ("cross-legged like a turk") performant la loi à la lettre puisque l'instrument du châtiment, c'est ce même livre qu'il lui jette au visage.

 

Le passage de Still Life reprend lui aussi cette dimension conflictuelle du rapport à la loi, dans la mesure où il met en scène une crise du sujet féminin dans l'ordre symbolique, dont l'expression rhétorique se joue dans le registre métonymique du corps tantôt contenant tantôt contenu. En effet l'identité double de la lectrice/femme enceinte ne trouve pas à s'inscrire dans les lieux de la maternité où elle compte occuper les temps d'attente par la relecture des poèmes de Wordsworth. Le bâtiment de la maternité occupe par défaut une des ailes de l'hôpital, puisqu'il avait été construit pour accueillir les blessés de la deuxième guerre mondiale. Défaut au sein d'un lieu signifiant de l'ordre symbolique ainsi que le souligne une architecture qui reproduit la lettre H du mot Hôpital à l'infini ("a repeating h-shape of corridors and slopes", p.13). Ce lieu de la blessure est redoublé par la crise de représentation propre à la grossesse, renouvelant l'épreuve d'altérité au sein même de l'identité cette fois-ci. L'enjeu de la scène de lecture est de déployer un espace privé dans un lieu qui le nie, de répondre à la rhétorique du défaut par l'insistance du corps, d'un désir qui excède l'assignation qui lui est prêtée. La lecture elle-même travaillera autrement cette croisée entre assignation et désir.

 

Dans To the Lighthouse, la conversion du lieu de lecture en espace privé se joue sur un mode tout à fait différent, ne serait-ce que parce que l'espace est consubstantiel au sujet. La venue à la lecture emprunte à un rite, décomposé en ses différentes étapes selon une dynamique qui, ici, est centripète. S'y dessinent des cercles concentriques témoignant d'une représentation spatiale de l'intériorité, écriture d'un sujet peut-être encore centré. La lectrice choisit "a particular seat", rabat le cercle de la lumière, crée un autre cercle en reprenant son tricot qui tout à la fois l'occupe et la désoeuvre. La scène de lecture précédée d'une remémoration du poème récité lors du repas a pour lieu une intériorité figurée comme chambre aux échos ; avant d'être cité, le texte du sonnet de Shakespeare qu'elle lira est donc

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2. L'Invention du quotidien. 10/18, 1980, p. 291-292.

 

 

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déjà ouvert au tissage des voix, au réseau de l'intertexte, aux chemins buissonniers de la rêverie. Toutefois la scène n'est pas pour autant homogène. Virginia Woolf reprend le topos de la lecture à deux - Mr Ramsay est lui aussi occupé à lire - mais le modifie puisqu'elle y introduit une fracture : la différence des modes de lecture de Mr et Mrs Ramsay est en effet un des ressorts dramatiques du passage, de même que la lecture s'éprouve sur fond d'une écriture très paradoxale du lien conjugal, tissée d'altérité et de reconnaissance, de demandes et de réticences, de rencontres décalées et de connivences restaurées dans le silence.

 

La scène de lecture offre également des représentations différentes de l'acte de lecture et apparaît tout autant à cet égard lieu divisé voire paradoxal puisque le lieu s'y défait. Le sens s'y déplie mais sans que la dimension herméneutique constitue le tout de la scène et celle-ci apparaît dotée d'une altérité constitutive articulée selon des lignes de partage sans cesse redéfinies.

    Conversion, réserve

Dans Jane Eyre, la relation qui s'établit entre livre et monde est sur le mode de la conversion. L'on a souvent défini le rapport entre livre et monde, livre et sujet dans ces pages comme régulé par une loi spéculaire. Les images de désolation sur lesquelles s'attarde Jane Eyre refléteraient et le monde qui l'entoure et son statut d' "outcast". Pourtant c'est peut-être trop souscrire à ce princeps qui voudrait que le roman "réaliste" soit tout entier défini par un enjeu mimétique, car il y a dans ces pages plutôt pratique de la conversion que de la reduplication. La présence du livre permet une conversion de l'intérieur en extérieur. À la pénétration menaçante des éléments extérieurs, la scène du livre répond par une interprégnation des deux mondes. La lecture intermittente de Jane Eyre qui s'arrête de tourner les pages de son livre "to study the aspect of the winter afternoon" (p. l) par la fenêtre donne au monde le statut d'entre-deux pages. Le cadrage de la fenêtre, la mise en tableau du paysage décomposé en son arrière-plan et son avant-plan transforment le paysage en une première vignette avant que le livre de Bewick ne soit nommé. Autant de signes discrets par lesquels le livre opère la conversion du monde en espace textuel, effacement des frontières qui travaille la visée représentationnelle.

 

Quant à la scène du sens à proprement parler, elle emprunte des voies de représentation contradictoires. Elle se donne tout d'abord. à lire comme étape dans la formation de l'héroïne à l'herméneutique : formation dont l'inachèvement, l'imperfection sont attribuées à sa jeunesse ("an undeveloped understanding and imperfect feelings", p. 3) et qui donne à l'interprétation un ancrage subjectif (lecture partielle/ lecture partiale) qui la déplace du débat épistémologique. La lecture s'y définit essentiellement comme art du lien générateur de sens :

 

 

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"the words in these introductory pages connected themselves with the succeeding vignettes and gave significance to the rock standing up alone in a sea of billow and of spray" (2).

 

La lectrice elle-même glisse d'un objet à un autre : le livre est choisi pour ses images mais la lecture des pages qui les précèdent est donnée comme compulsive ; les signes visuels sont convertis en signes linguistiques, conversion ménagée en amont par cette coulée de sens qui passe des mots aux images "gave significance" puis en aval par l'assertion finale ("each picture told a story") et mène à l'évocation d'une communauté rêvée (compensatrice de l'exclusion première) où la figure de la servante est transmuée en mémoire nourricière, passeuse du récit anonyme et des grands noms de la littérature anglaise :

. . . and when, having brought her ironing- table to the nursery-hearth, she allowed us to sit about it, and while she got up Mrs Reed's lace frills, and crimped her night-cap borders, fed our eager attention with passages of love and adventure taken from old fairy tales and older ballads ; or (as I at a later period discovered) from the pages of Pamela and Henry, Earl of Moreland. (3)

Mais toute cette rhétorique du lien que nous invite à suivre le fil du texte est elle-même distendue, voire trouée par des torsions, des renversements ; la scène de lecture ne raconte pas tant le sens qu'elle cadre des taches aveugles, nous rappelant ainsi que l'écrit Paul de Man, "the question is precisely whether a literary text is about that which it describes, represents or states". [3]

 

Ainsi cette première torsion, par laquelle la lectrice campée en rebelle se définit aussi comme rebelle à la sémiologie : le geste qui fonde la lecture, c'est le choix du livre pour ses images et les images sont une façon de se détourner de la lettre, de l'empreinte de celle-ci : "I returned to my book - Bewick's history of British birds: the letter press thereof I cared little for generally speaking" (2).

 

Pourtant l'effet de ce détour, de ce non-investissement premier est paradoxal dans la mesure où il sert de réserve de pouvoir. Lire, de choix, se convertit en impossibilité de ne pas lire ; la lectrice rebelle devient une lectrice compulsive ; le détour recharge le pouvoir de fascination : "And yet there were certain introductory pages that, child as I was, I could not quite pass as a blank." "Nor could I pass unnoticed the suggestion of the bleak shores . . ." (2)

La lecture de ces pages ne se définit donc pas à l'aune du sens (inachevé ou indistinct : "the half-comprehended notions that float dim through children's brains", p.2) mais à celui d'une captation imaginaire : l'efficace de "the letter-press" c'est de rendre ces vignettes "impressive", d'imprimer des lettres écarlates sur l'étoffe imaginaire ; c'est aussi de

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3. Allegories of Reading. Yale University Press, 1979, p. 57.

 

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reconnaître la dette de l'empreinte romantique représentée par son initiateur, Thomson dont Bewick reconnaît lui-même l'ascendant. De cette origine, Charlotte Brontë fait un pôle lointain, un temps d'avant la genèse, une pré-histoire ; pourtant si l'on en croit la description ("that reservoir of frost and snow", "the accumulation of centuries of winters", " concentre the multiplied rigors of extreme cold", p. 2), cette matrice polaire est aussi réserve d'énergie.

 

D'autre part, s'il est vrai que la lecture est définie comme un art du lien, cette assertion masque le plus souvent une réserve de sens. Il est écrit que les mots "gave significance", mais ce qui nous est donné c'est le don du sens, non le sens lui-même. À la place d'une signification, ce qui est énoncé, c'est la translation du signe visuel en signe linguistique, des images en texte. De même lorsque plus tard, une fois décrites, ces vignettes acquièrent le statut d'histoire, cette équivalence n'est pas spécifiée mais reste indéterminée ("a story") et ne se formulera que par le biais d'une comparaison, la référence à une autre histoire. "Each picture told a story : mysterious often . . . yet ever profoundly interesting : as interesting as the tales Bessie sometimes narrated on winter evenings, when she chanced to be in good humour" (3).

 

De ces images de désastre (paysages élémentaux, naufrages) on a fait des images du désarroi de l'héroïne en ces premières pages. Toutefois dans ces appontements fragiles sur fond d'un sens réservé, il y aurait à lire l'articulation problématique du visible au lisible ; ces images d'accident ("the wreck", "a broken-boat", "sinking") prolongées dans la syntaxe paratactique (rare dans le roman) de ces lignes, seraient peut-être l'indice de cette irréductibilité du voir et de l'écrire, le casus du voir dans l'écrit qui se prolonge jusque dans les images de castration à la fin du roman. La question du visible hante en effet de différentes façons la scène du lisible : la narration des relais de regard par lesquels s'opère la conversion du visible en lisible se substitue à l'objet vu : dans une des vignettes - "the cold and ghastly moon glancing through bars of cloud at a wreck just sinking" - l'objet vu glisse hors-cadre ; dans une autre, la lectrice se détourne d'une image qu'elle narrativise en relais de regard, récit cadrant un point aveugle : "The fiend pinning down the thief's pack behind him, I passed over quickly : it was an object of terror. So was the black, horned thing seated aloof on a rock surveying a distant crowd surrounding a gallows" (3). Figurée par un déplacement métonymique où se jouent d'arbitraires contiguïtés, où des substitutions réservent ce qu'elles donnent, la lecture relèverait d'une certaine pratique de l'imposture. Et l'on peut faire de la conversion avec la part de réserve qu'elle comporte un des paradigmes 13 majeurs du roman. Ou bien l'on peut choisir de ne pas la replacer dans un débat épistémologique dont elle s'est écartée ; au lieu de penser la lecture comme l'affleurement de l'ombre à la lumière du sens (ce passage nous invite à lire l'émergence de l'autre scène à travers les peurs de la lectrice, ou celle de la figure-matrice à travers les cadrages du point aveugle), il faudrait peut-être la penser à la suite de Maurice Blanchot comme effleurement


 

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de l'ombre, "cette ombre si vaine qui passe sur les pages et les laisse intactes" et qu'il appelle par ailleurs "légèreté". [4]

Restent ces impressions de paysages pris dans les glaces, d'un indifférencié qui refuse de se délier et que nos mémoires ont désormais en réserve.

      OEuvre et désoeuvrement

Faisant dialoguer deux modes de lecture représentés en partie par chacun des lecteurs en scène, To the Lighthouse répartit le partage selon deux économies différentes du rapport à l'oeuvre.

 

La lecture de Mr Ramsay est toute entière à replacer dans le cadre du contexte polémique dont elle est la suite. Elle représente l'après-coup d'une discussion sur l'oeuvre et le temps, sur l'auteur et l'oeuvre.

 

Le livre lu y est désigné soit comme unité d'une catégorie - "she wondered what book it was. It was one of old Sir Walter's" (108) - soit métonymiquement par le nom de l'auteur. Dans cette hésitation entre dénombrement et contiguïté, le livre se désigne par sa valeur, sa relation à autre chose que lui-même, un auteur, une oeuvre. De même la lecture consiste essentiellement à soupeser la valeur culturelle que représente le livre, sa place voire son poids dans l'ordre symbolique : "She could see that he was weighing, considering, putting this with that as he read" (109).

 

L'acte de lecture n'est pas tant interprétatif qu'évaluatif et la question de la valeur est elle-même objet de débat. Elle est tantôt représentée comme assujettie à des aléas qui postulent une fondation extrinsèque (l'oeuvre relative au temps, l'oeuvre relative au lecteur), tantôt comme noyau inentamé, à la fois transcendé et fondé par le plaisir intense de la lecture qu'éprouve Mr Ramsay. Toutefois, ce plaisir même est mis en scène selon une théâtralité de redoublement et une rhétorique du supplément. La lecture est représentée comme scène identificatoire, théâtre du narcissisme du lecteur : "He was acting it - perhaps he was thinking himself the person in the book" (108). À ce théâtre est prêtée une dimension cathartique qui permet de panser les blessures, de reconstituer une image pleine, suppléant aux défaillances : "It filled him. It fortified him. He clean forgot all the little rubs and digs of the evening and how it bored him unutterably to sit still while people ate and drank interminably" (110). Dans ce contexte, la lecture a fonction non d'expérience en soi mais d'expérience seconde ; la valeur en est également la finalité puisque lire revient à conforter une idée, étayer un argument. Non plus expérience, elle devient valeur discursive puisqu'elle est indexée à l'élaboration d'une preuve qui viendra alimenter ce commerce que sont les conversations mondaines : "If he came to the conclusion 'that's true' what Charles

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4. L'Espace littéraire. Gallimard, 1955, p. 253-263.

 

 

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Tansley had said, he would accept it about Scott" (109). "He felt he had been arguing with somebody and had got the botter of him" (111).

 

Ce portrait du lecteur en tenant de "l'avoir" est toutefois pris dans une autre scène de lecture, puisque toute la scène est vue par le regard de Mrs Ramsay. L'enjeu herméneutique est ainsi détourné du poème qu'elle lit et tout entier investi dans la lecture de l'homme en lecteur ou du lecteur en homme. Il y a dans ce déchiffrement que Mrs Ramsay fait du lecteur une charge qui est de la même nature que ce renversement dialectique dont parle Roland Barthes et qui est propre à ces moments où "le lecteur ne décode pas mais surcode". [5] Seules trouées dans cette surdétermination, les signes de "dépense", les larmes, "l'orchestration sauvage du corps", [6] l'oubli de soi : "He could not choke back his tears. Raising a book a little to hide his face he let them fall and shook his head from side to side and forgot himself completely" (110). Cette lecture autre implique un renoncement à la pensée de l'oeuvre comme somme, le passage d'une lecture finie et finalisée à une lecture ouverte sur l'infinitude. "But he must read it again. He could not remember the shape of the thing. He had to keep his judgement in suspense" (111). La surdétermination cède sous la pression de la coulée métonymique du désir : le plaisir de lire ne conduit qu'au désir de relire.

 

C'est cette entreprise de dés-oeuvrement que poursuit la lecture de Mrs Ramsay. Désoeuvrement que l'on peut nommer rhétorique de la soustraction, de la disparition qui, ainsi que l'écrit Blanchot, "s'inscrit dans l'écriture lorsque l'oeuvre qui en dérive est par avance renoncement à faire oeuvre, indiquant seulement l'espace où retentit la parole toujours à venir du désoeuvrement. [7]

 

Le désoeuvrement aurait pour premier nom l'insu. Préalable à la lecture, il y a chez Virginia Woolf cet état de non-savoir, un accueil à un désir, "d'ordre général", dirait Marguerite Duras dont la négativité constitutive est maintes fois réitérée. "She wanted something more though she didn't know how, could not think what it was she wanted" (108). "There is something I want - something I have come to get, and she fell deeper and deeper without knowing quite what it was, with her eyes closed" (109).

 

La lecture vient davantage croiser cette vacance de l'être que l'occuper, davantage la traverser que la combler. Cette position d'immaîtrise se prolonge dans le fait que la lectrice place la lecture sous le sceau de la contingence, du hasard ; il s'agit de lire "at random". Le geste de prendre le livre, longtemps différé, figuré par une main qui tâtonne ("so she turned and felt on the table beside her for a book", 109) est immédiatement converti en geste de désaisissement. La rencontre avec le livre est plutôt représentée comme la survenue d'un

 

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5. "Sur la lecture", 1976, repris dans Roland BARTHES, OEuvres complètes. Seuil, tome 3, p. 383.
6. DE CERTEAU Michel, op. cit., p. 291-292.
7. La Communauté inavouable. Minuit, 1983, p. 77

 

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espace ouvert, isomorphe à une intériorité déjà déployée spatialement comme mémoire. La lectrice y est présentée comme nomade qui parcourt l'ouvert du livre, privilégiant ses milieux et ainsi allégeant le poème de toute inscription de finitude, approche deleuzienne du poème en tant que devenir.

 

Lire, pour Mrs Ramsay, n'est pas une entreprise herméneutique ; il s'agit bien au contraire de se soustraire à la scène du sens, de préserver le plus longtemps possible ce moment d'équilibre fragile où le poème propose sa nature déliée, labile : "She did not know at first what the words meant at all" (110). C'est à travers sa qualité rythmique que le poème est d'abord appréhendé, en appelant ainsi à une mémoire, à une écoute, figurant la lecture comme une entente. "[She] began reading here and there at random and as she did so she felt she was climbing backwards, upwards, shoving her way up under petals that curved over her, so that she only knew this is white, this is red" (110). L'élaboration des correspondances synesthésiques dit l'immédiateté de l'expérience sensorielle, mais plus encore de ce moment pathique de la sensation telle que le définit Henri Maldiney : "Toute sensation comporte un moment émotionnel, pathique et un moment représentatif, gnosique . . . le moment pathique d'une couleur est celui de sa dimension musicale, rythmique." [8] Dans le texte de Virginia Woolf le moment pathique de la lecture d'un poème est celui de son chant chromatique.

 

La représentation spatiale de la conscience selon laquelle est en partie ordonné le passage semble en un premier temps nier la part d'altérité du poème ; pourtant les ramifications figuratives contradictoires qui la prolongent lui rendent sa dimension paradoxale, trans-subjective. Conjoignant des images d'ascension et de recouvrement ("backwards, upwards, shoving her way up under petals that curved over her", 110) d'intériorité et d'extériorité ("under petals", "laying hands on one flower and then another", 111), la lecture est à la fois expérience de l'être-dans et du hors-soi, d'un recueillement et d'une extase. Les fleurs, qui dans le poème de Shakespeare sont les vestiges sensibles d'un monde absenté du fait de l'éloignement de l'aimé, figurent la scène invisible de la lecture, son non-lieu.

Ces pages nous invitent également à prendre en compte la part du corps dans la lecture. Mais une fois de plus, deux représentations sont mises en regard. Dans la description de Mr 140 Ramsay en lecteur, le corps est le théâtre où se redouble la scène imaginaire de la lecture :

He was half smiling and then she knew he was controlling his emotion. He was tossing the pages over. He was acting it. (108)

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8. Regard, Espace, Parole. Lausanne: Editions l'Âge d'homme, 1973, p.14.

     

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It was the life, it was the power of it, it was the tremendous humour, she knew, that made him slap his thighs ... His lips twitched. (110)

À l'opposé de ce régime théâtral par le biais duquel le corps a valeur de signe, point de rencontre de l'expression de Mr Ramsay et de l'interprétation de Mrs Ramsay, le mode de lecture de Mrs Ramsay s'apparente davantage à la danse, "danse avec un partenaire invisible dans un espace séparé", écrit Blanchot. [9] Non seulement lire implique l'être entier - "so reading she was ascending" - mais les métaphores spatiales tracent des sauts, des lignes, des courbes, autant de griffures sur la surface phénoménologique du texte qui sont les inscriptions de la pulsion faite graphé. Le choix de ne pas élaborer des métaphores, mais de les répéter crée un suspens de la figuration de cette danse qui s'oppose à la surdétermination qui caractérise d'autres lignes.

Enfin s'il y a désoeuvrement, c'est parce que la lecture pour Mrs Ramsay ne s'inscrit pas dans un effet du texte mais est expérience de l'oeuvre de la forme. "Conscience rythmisante", la lectrice entre dans la danse et participe à la création de la forme poétique, à son oeuvre. La lecture connaît son acmé non pas tant dans le dévoilement de la forme du poème que dans l'achèvement de la genèse de celle-ci : "And then there it was, suddenly entire shaped in her hands, beautiful and reasonable, clear and complete, the essence sucked out of life and held rounded here - the sonnet" (111). Toutefois le rythme binaire de la phrase, les échos sonores, les mises en regard syntaxiques "entire shaped", là où on attendrait une modalisation hiérarchisante, font du moment où le sens de la forme est énoncé un suspens dans lequel se prolongent les derniers échos de la lutte entre forme et sens.

       

    Coupure et suture

     

    Les pages de A.S. Byatt reprennent cette fracture interne à la scène de lecture mais selon une ligne de partage différente. Celle-ci, déplacée du champ phénoménologique, investit tout entier le champ critique. Tous les personnages du roman, metteur en scène, membres du clergé, professeurs, étudiants sont à divers titres des gens du livre dont le destin où la vocation sera de mettre le sens en crise par le biais d'une passion ou d'une perversion.

        La scène que j'ai retenue, où la lectrice lit le poème "A slumber did my spirit seal" de Wordsworth - objet de multiples gloses -,explore cette double orientation nous proposant une lecture à la fois "irrespectueuse" du livre qui joue d'une violence faite au texte lu, et une lecture "éprise" [10] au sein même du geste critique.

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              9. L'Espace littéraire, op. cit., p. 263.
              10. BARTHES, Roland, "Écrire la lecture", in OEuvres complètes. Seuil, tome 2, p. 961.

               

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Lecture "irrespectueuse" dans la mesure où s'il est vrai que la lecture est pour le lecteur façon de se connaître, le passage donne à cette scène de miroir une dimension outrée. Le geste de la lectrice, d'emblée critique consiste non à dévoiler le sens du poème mais à se représenter, à se signifier par son entremise. Le poème de Wordsworth propose une figuration du sujet "she" à la référenciation indéterminée, à la caractérisation déréalisée, qui sert de négatif par le biais duquel la lectrice figure son corps dont la représentation est mise en crise par la grossesse. À l'apesanteur du "she" s'oppose la lourdeur des corps:

            Lecture "irrespectueuse" dans la mesure où s'il est vrai que la lecture est pour le lecteur façon de se connaître, le passage donne à cette scène de miroir une dimension outrée. Le geste de la lectrice, d'emblée critique consiste non à dévoiler le sens du poème mais à se représenter, à se signifier par son entremise. Le poème de Wordsworth propose une figuration du sujet "she" à la référenciation indéterminée, à la caractérisation déréalisée, qui sert de négatif par le biais duquel la lectrice figure son corps dont la représentation est mise en crise par la grossesse. À l'apesanteur du "she" s'oppose la lourdeur des corps:

'she seemed a thing that could not feel
the touch of earthly years'.
Seemed. She looked at the women. Hats, headscarves, bulky coats, varicose veins,
bags, baskets bottles. (13)

À l'intégration panthéiste dans l'élémental s'oppose la découverte d'une altérité qui définit son nouvel état. "No motion has she now, no force./ On the contrary too much, and rot her own" (13). La lectrice en un premier temps ne crée son sens que par écart, par différenciation, ainsi que le note ironiquement la narratrice : "Wordsworth read differently among so various flesh" (14). La réitération de la différence ("once", "on the contrary", "differently") trace dans la scène de lecture une coupure qui redouble dans le geste critique le découpage de la citation et manifeste cette violence qui lui est propre .

 

Le poème n'est alors appréhendé que dans sa dimension représentationnelle et la lecture du livre se transforme en dialogue de lectures critiques. Si je poussais le trait empruntant à la lecture critique sa violence, je dirais que la scène est devenue le théâtre du "gendered reader" : théâtre de sa naissance puisque le roman est situé dans les années cinquante, théâtre de sa reproduction puisque le roman fut écrit en 1985. Le redoublement métacritique contribue à un effet de saturation que tout geste critique ne peut à son tour que redoubler. Il y aurait alors engorgement de sens, qui relèverait de ce "régime despotique" [11] dont parle Deleuze à propos du renvoi infini du signe au signe. Toutefois si la saturation hante le régime du sens dans bien des récits contemporains, si le narrateur "ventriloque" chez Ackroyd, "perroquet" chez Barnes, "polyglotte" chez Rushdie tente de l'alléger par l'ironie, la parodie, l'hybridation, autant de formes du dialogisme, il apparaît que d'autres enjeux de la scène viennent chez A.S. Byatt contenir ou détourner la surcharge.

                      En effet la scansion entre lecture du livre et lecture du monde ou de soi délie de plusieurs façons la scène du sens. La lecture intermittente, trouée de ruptures, interruptions, déterritorialise le sujet oscillant dans ce que Michel de Certeau désigne comme "un non-lieu

                       

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                      11. Mille Plateaux. Paris : Éditions de Minuit, 1980, p.141.

                                      the touch of earthly years'.

                               

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entre ce qu'il invente et ce qui l'altère" [12] ; lignes de fuite que A.S. Byatt nomme "a pregnant incapacity to finish sentences, lier own, Wordsworth's or Frances Owen's". D'autre part, dans cette confrontation entre le poème et la lectrice se répondent des approches du corps invisible, que celui-ci se rapporte à une rhétorique de la désincarnation, ou au corps intérieur infigurable.

 

Enfin ce que ces pages mettent en scène, c'est une passion pour les mots, mêlant érotisme et critique. Ce ne sont ni des images, ni des vers que lit Stéphanie mais des mots, des noms. La question qui orienterait la lectrice serait " what the furnace? what the anvil?" de la création poétique. Elle distingue les registres des mots, en interroge l'économie ? Comment se crée l'étrangeté au sein du familier : "Ordinary words in an extraordinary order. How did one recognise what was extraordinary?" (12) Comment se fonde l'autorité, l'effet de vérité ? À travers les mots, elle pressent, sonde les fondements épistémologiques : "To name the whole earth with three nouns, that was authority. Rocks and stones and trees. The rhythm formed by the reiterated "and". Everything even if named, was part of the same thing" (15). Or c'est cette passion pour les mots qui chez A.S. Byatt peut alléger l'héritage de la lecture. La scène de lecture chez elle nous permet de nommer le déplacement qui s'est opéré puisque c'est le livre même qui est devenu bibliothèque, mémoire intertextuelle, et son roman met en avant une représentation de l'écriture en tant que lecture. Celle-ci a envahi le tout de l'écriture car elle est inscrite au cceur de la perception, au coeur de la représentation, renversant ainsi le rapport mimétique et littéralisant la métaphore de l'écriture comme "lire" le monde. L'on n'est pas surpris, dans ce contexte déjà familier pour les lecteurs du roman postmoderne, que la scène d'enfantement soit aussi une métaphore de l'alliance intertextuelle, sans pour autant, et c'est là la singularité de A.S. Byatt, que la part du corps et de sa représentation soit minorée. C'est en récitant des vers du poème de Wordsworth "Ode : intimations of immortality", en intégrant leur rythme à sa marche, que Stéphanie apprivoise son propre rythme, sa douleur, et de cet enfantpoème enfanté naîtra un garçon tout autant "child of print" que "child of the flesh". L'enfant qu'elle décrit dans ces pages (107) est une récriture du "wonder boy" dont Wordsworth fait le portrait (nombreuses seraient les traverses) :

            The child opened his eyes and turned his head from side to side and saw light. He saw light as through water, or it could be said that he saw the air as a thick, translucent medium, so that the wide swathe of light that scarfed and followed his slow-moving gaze was streaked and stroked with delicate repeated dashes and flashes of pale violet (from the irises) and chrome yellow (from the daffodils). Light was like the close roof of a sphere within which he lay. There arched over this a band of the clear-yellow gold.

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            12. M. DE CERTEAU, ibid.

             

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Mais la récriture opère un déplacement radical : la capacité d'émerveillement ne tient pas tant aux richesses rêvées de l'expérience de l'enfant ni a pouvoir de l'imagination à en recréer l'immédiateté qu'à la diversité du sensible (que A.S. Byatt appréhende par l'expérience et par les discours scientifiques), à son intensité (que la référence à la peinture pose dans une plus grande immédiateté) et à l'infinitude du langage : infinitude du mot qui cède parfois au vertige taxinomique ("there are shepherds in the Andes who have over sixty words for the colour brown" (59), écrit-elle) ou cette autre infinitude que le mot recèle dans ses déplis métaphoriques. Au "wonder boy" A.S. Byatt répond par de "wonder words" qui ne doivent pas leur aura à la dimension mythique, universelle qui les tournerait vers une transcendance, mais au fait qu'ils placent l'absolu dans leur singularité irréductible : "But there's a tree, of many, one". D'où cette passion du mot juste chez A.S. Byatt, entomologiste du langage qui, tout en prenant acte de la pensée du manque, de la différence, de l'absence (il n'y aurait qu'à noter les nombreuses références à Mallarmé) sait renouer une alliance singulière entre ses mots, le sensible et l'intertexte. Alliance qui joue d'une rhétorique de la suture. S'écartant d'une voie saturnienne qui concevrait la lecture comme un étagement de médiations taisant écran à la représentation, A.S. Byatt fait de celle-ci le creuset inépuisable de l'écriture depuis lequel se déploie l'histoire du mot et avec lequel dialogue la multisingularité du monde sensible.

Il arrive dans son roman que l'expérience sensible, esthétique, émotionnelle vienne dire la justesse du mot, fût-il dégradé. Ainsi lorsqu'un personnage arrive dans une des salles de l'exposition de Van Gogh pour voir ce qu'on lui a décrit comme "the miraculous stuff" A.S. Byatt décrit ainsi le lieu : "The pale grey, classical, quiet place where the bright light shone and sang off pigment so that the phrase miraculous stuff seemed merely accurate" (1). Il arrive plus souvent encore que sa passion des mots nous donne l'occasion d'une lecture à la fois "érotique, chasseresse et initiatique" [13], combinant des qualités dont Barthes disait qu'elles étaient distinctes.

Les trois scènes de lecture retenues pourraient se replacer à la lumière du temps et l'on verrait dans ce déplacement qui s'opère à travers elles, interrogeant tour à tour la place du livre, la place de l'oeuvre, la place de la lecture dans l'écriture, un indice de leur ancrage dans le temps, dans l'histoire. Toutefois les travaillant comme scène, c'est l'inscription d'un lieu que j'y ai interrogée. Plutôt que comme composition d'un lieu, la scène de lecture m'apparaît comme exploration paradoxale de celui-ci.

Exploration paradoxale du lieu dramatique puisque tantôt l'espace du livre semble aspirer l'espace du monde dans la spirale de sa textualité, tantôt au contraire du fait de la

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13.Ibid.

 

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scansion intermittente propre à ces lectures, la scène croise l'un et l'autre lieu et, de ce battement même, dans l'interruption, fait l'attente du texte lu. Yves Bonnefoy formule cette attente ainsi :

L'interruption . . . c'est le moment où le poème se défait de l'emprise de significations mais tout à coup prend sens : dans la mesure où ces significations qui n'étaient que structures intemporelles se voient affrontées à la finitude, jetées dans le temps, réclamées par une autre nécessité. [14]

Exploration paradoxale du lieu du sens. Celui-ci peut se constituer de replis et de strates tels qu'il s'y paralyse comme si le risque que courait la scène herméneutique, et particulier dans sa version la plus récente, était l'impossibilité de ne pas faire sens. Mais la scène de lecture sait également déjouer ce risque de différentes façons : en sa dimensiol phénoménologique, l'être-au-livre peut se constituer dans les marges du sens ; à la violence du geste critique, la lecture peut opposer sa légèreté. Ou bien la scène de lecture tourne sot champ herméneutique vers son autre : que celui-ci soit le poème qui vient croiser le récit l'invisible qui vient croiser le lisible, l'insu qui vient croiser le savoir, ou bien encore l'advenir et le devenir qui viennent croiser le lieu du texte.

Exploration paradoxale du lieu du corps. Ou bien le corps occupe la scène, s'y représente, s'y théâtralise, se transformant en signe. Ou bien il se confond au lieu du texte devenant une métaphore du tissu intertextuel. Ou bien il cherche sa place dans un écart, une différence, cherche à y figurer sa singularité ou son invisibilité. Ou bien encore, c'est à la texture même de l'écriture-lecture qu'il se mêle, pour s'y danser, dire l'inflexion de la jouissance dans les courbes des lignes, dans la résonance sensible du mot.

Exploration paradoxale du lieu du lecteur qui, s'il se définit par le biais des lieux critiques propres à son temps, apprend aussi à être l' "éveilleur" [15] au seuil d'une scène rêvée.

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14. In "Lever les yeux de son livre", La Lecture, in Nouvelle revue de psychanalyse, n° 37, printemps 1988, p. 13.
15. M. DE CERTEAU,
ibid.

 

(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 12. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1997)