(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 12. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1997)

1

Comment lisent les poètes

Monique Lojkine-Morelec  (Université Paris 4-Sorbonne)

 

"Without contraries is no progression", écrit Blake dans The Marriage of Heaven and Hell, et l'acte d'écriture ne saurait échapper à cette règle. On n'écrit que pour résoudre un problème, qu'il soit conscient ou inconscient. La querelle peut avoir ses racines dans le rapport de l'écrivain au monde, mais ce rapport au monde est, dans le meilleur des cas, à ce point intériorisé qu'elle se distingue souvent assez difficilement de la querelle que l'écrivain a avec lui-même. Seamus Heaney, qui écrit: "Poetry is out of the quarrel with ourselves and the quarrel with others is rhetoric" (Preoccupations 34), précise néanmoins: "But consciousness and quarrels with the self are the result of what Lawrence called "the voices of my education" (P 35), voix du monde extérieur dont il décrit ensuite la nature historiquement conflictuelle, puisque l'une lui vient du terroir catholique irlandais, "the bog", et l'autre du monde des "planteurs" protestants écossais et britanniques, "the demesne".

Ces réflexions sur ce qu'il considère comme la contradiction fondatrice de son ceuvre appartiennent à un recueil d'essais et conférences intitulé Preoccupations. En effet les poètes qui publient de la critique littéraire reconnaissent volontiers que leur intérêt pour ce qu'écrivent les autres répond à des préoccupations directement liées à leur propre pratique de l'écriture. Eliot nous dit par exemple que son couvre critique ne fut guère autre chose qu'un produit connexe, "a byproduct", de son travail de création (To Criticize the Critic 11 26). Geoffrey Hill avoue également, dès la première page de The Lords of Limit : "I was drawn towards my present theme by way of the technical and metaphysical problems which I have encountered as a practitioner of verse."

La confrontation entre les oeuvres critiques de plusieurs poètes contemporains devrait permettre de montrer non seulement leurs préoccupations communes mais surtout ce qu'a de spécifique la démarche de lecture de chacun d'entre eux. J'en ai retenu trois qui, tout en

 

 

2

 

étant nos contemporains, ont déjà néanmoins non seulement une ceuvre poétique mais aussi une oeuvre critique substantielle derrière eux, nous permettant d'en dégager les grandes lignes : Seamus Heaney, Geoffrey Hill et Ted Hughes. Derrière eux, ou du moins derrière les deux premiers d'entre eux, car le troisième se choisit plutôt comme premier maître le Robert Graves de The White Goddess, puis Jung et Eliade, se profilera de manière quasi inévitable la figure de T. S. Eliot.

On connaît la théorie d'Eliot sur la dissociation de la sensibilité qu'il situe au temps où les fondements d'un monde unifié par le principe d'une monarchie dont la légitimité en tant qu'institution était quasi divine, se trouvèrent ébranlés par la Guerre Civile et l'instauration du Commonwealth puritain de Cromwell qui ne tenait sa légitimité que du peuple qui la lui avait reconnue. Pour les trois poètes de la génération suivante c'est encore de cette zone de crise idéologique et religieuse dont l'épicentre est la Guerre Civile que va s'originer une bipolarité, bien que celle-ci cesse d'être vue uniquement comme la perte tragique d'une unité quasi pré-lapsaire, pour apparaître au contraire comme une tension nécessaire au coeur même du processus créateur.

Pour Heaney, nous l'avons vu, c'est dans la colonisation de l'Irlande par l'Angleterre aux seizième et dix-septième siècles qu'il trouve son origine, colonisation qui, si elle fut pour le peuple irlandais un traumatisme qui lui coûta non seulement sa terre mais aussi sa langue et une partie de sa culture, n'en est pas moins fondatrice, aux yeux du poète, de la langue et de la culture de l'Irlande moderne telles que les ont forgées trois siècles où la lecture fut pour l'essentiel celle des oeuvres du colonisateur: "If you like, I began as a poet when my roots were crossed with my reading. I think of the personal and Irish pieties as vowels, and of the literary awareness nourished on English as consonants. My hope is that the poems will be vocables adequate to my whole experience" (Preoccupations 37). On voit d'emblée que, plus que le contexte historique dans sa dimension politique, ce qui préoccupe avant tout Seamus Heaney c'est, en dépit de la réactivation du conflit dans la guerre civile larvée qui secoue l'Ulster depuis les années soixante, le problème de ce qui fait la voix spécifique d'un poète. L'ancrage dans l'histoire a pour lui essentiellement valeur de métaphore.

Comme Heaney, Hughes place au centre de ses préoccupations, plutôt qu'une référence historique précise, un affrontement entre deux cultures, l'une archaïque et maternelle, soumise au culte de la grande déesse de Robert Graves dont Hughes croit retrouver la trace jusque dans le culte rendu à la Reine Elizabeth, et l'autre soumise à la loi répressive du Jéhovah des Puritains. Ce qui chez Heaney fonctionne comme une métaphore fonctionne chez Hughes comme un mythe dont il s'attache, à propos de chacun des auteurs qu'il étudie, à reconstruire la fable particulière. Ce qui est en jeu dans les lectures qu'il nous

 

3

 

propose est non seulement l'écriture de l'oeuvre mais aussi la réunification de la personnalité du poète pour lequel l'écriture a fonction quasi thérapeutique.

Là où Heaney tend à situer la problématique de l'écriture dans la langue et Hughes dans la psyché divisée du poète, Hill la situe quant à lui dans la conscience qu'a le poète non seulement de sa place dans le monde mais aussi des possibilités que lui offre la langue que nous a léguée l'histoire. Si Hill en effet, dans "The World's Proportion", l'essai qu'il consacre aux pièces romaines de Ben Jonson, revient lui aussi sur la période troublée qui précède la Guerre Civile (The Lords of Limit 38), c'est pour y voir avant tout un affrontement politique entre démocrates et royalistes, qui met en lumière la manière dont les mêmes mots peuvent se charger de connotations nouvelles lorsque changent les rapports de pouvoir.

Sur le plan métaphysique, Hill, qui se définit lui-même comme sceptique à la manière de Wallace Stevens (LL 16) et qui place donc la loi morale en l'homme lui-même et non dans une instance divine extérieure, n'en est pas moins solidement imprégné de théologie. D'emblée, à travers une citation de Karl Barth qui fait du péché "the specific gravity of human nature as such" (cité dans LL 15), il pose le péché comme ce qui donne à l'homme et à son langage sa substance et son poids ; d'où sa suggestion: "it is at the heart of this 'heaviness' that poetry must do its atoning work, this heaviness which is simultaneously the 'density' of language and the 'specific gravity of human nature'." Comme on le voit à travers le mot "atoning", dans le monde humain cette pondérosité n'est pas seulement une catastrophe, c'est aussi une chance, puisque s'y ouvre, grâce au langage, un espace de récollement qui sera celui du poète dans son travail de rachat, de réparation, de réconciliation, cet "atonement" que Hill insiste pour lire "at-one-ment" et dont il nous dit qu'il ressemble fort à ce qu'Eliot décrit, dans son essai sur Marston comme "that frightful discovery of morality /.../ The unmoral nature, suddenly trapped in the inexorable toils of morality - of morality not made by Nature - and forced to take the consequences of an act which it had planned light-heartedly" (Selected Essays 163, cité dans LL 15) On voit que, là encore, ce qui intéresse Hill c'est la possibilité qu'a le langage poétique, au moment de l'anagnorisis, de rendre compte en un même acte de langage des deux forces contraires qui gouvernent la vie morale.

On voit ainsi que pour les trois poètes, comme pour Eliot, tout le problème de l'art est bien dans une certaine forme d'unification des contraires. Cependant c'est moins à la théorie de l'unification de l'émotion et de l'idée dans un acte d'imagination immédiate où les poètes "feel their thought as immediately as the odour of a rose" (Selected Essays 287), que Hill et Heaney sont en partie redevables à Eliot qu'à sa mise en rapport entre surface et profondeur telle qu'elle apparait dans ses essais sur Dante et dans sa définition de l'imagination auditive. Cette dernière est sans doute la définition la plus complète qu'Eliot ait jamais

 

 

4

 

donnée de sa conception de l'imagination créatrice et, comme Heaney ne cesse d'y revenir, il ne me semble pas inutile de la rappeler:

What I call the 'auditory imagination' is the feeling for syllable and rhythm, penetrating far below the conscious levels of thought and feeling, invigorating every word, sinking to the most primitive and forgotten, returning to the origin and bringing something back, seeking the beginning and the end. It works through meanings, certainly, or not without meanings in the ordinary sense, and fuses the old and obliterated and the trite, the current, and the new and surprising, the most ancient and the most civilized mentality.
(The Use of Poetry and the Use of Criticism 118-119)

S'il y a bien ici descente dans les profondeurs, correspondant à la descente shamanique dans les profondeurs de l'inconscient chère à Ted Hughes, il convient néanmoins de remarquer, à la lumière des trois essais qu'Eliot consacra à Dante, que ce qui justifie à ses yeux cette descente c'est la poursuite du "rêve supérieur" qui vise à la contemplation de la justice divine. Du premier de ces essais (The Sacred Wood, 1920, 159-171), je retiendrai le contraste qu'Eliot établit entre l'aptitude de Dante, qu'il illustre par les épisodes de Paolo et Francesca et de Brunetto Latini dans l'Enfer, à peindre d'un même trait deux émotions contradictoires sans que rien ne soit perdu ni de l'une ni de l'autre et ce qu'il estime être l'ambiguïté du Lucifer miltonien (SW 167). Dimension humaine de l'émotion et jugement divin sont chez Dante parfaitement concomitants.

Dans le deuxième essai, qui est une réécriture du premier (Selected Essays, 1929, 237-277), revenant sur l'épisode de Brunetto Latini, Eliot ajoute "and in making Brunetto, so fallen, run like the winner, a quality is given to the punishment which belongs only to the greatest poetry" (SE 247), et de la rencontre entre Dante et Béatrice au chant XX du Purgatoire il remarque que c'est là que l'on peut commencer à comprendre "how skilfully Dante expresses the recrudescence of an ancient passion in a new emotion, in a new situation, which comprehends, enlarges, and gives a meaning to it" (SE 262). C'est également dans cet essai que s'exprime sa défiance vis à vis du freudisme qui ne s'intéresse qu'au "lower dream", et qu'il déclare que même si l'expérience de la Vita Nuova peut être décrite comme une sublimation, on ne peut véritablement la comprendre que "by accustoming ourselves to find meaning in final causes [qu'il explicite comme étant "the attraction towards God"] rather than in origins", selon la méthode freudienne (SE 274).

Le troisième essai (To Criticize the Critic, 1950, 125-135) se termine sur les deux leçons qu'Eliot croit avoir tirées de sa longue fréquentation de Dante; la première, qui porte


 

5

 

sur l'enrichissement de la langue par les plus grands poètes, prend la forme d'un vibrant hommage non seulement à Dante mais aussi à Shakespeare: "they give body to the soul of the language, conforming themselves, the one more and the other less consciously, to what they divined to be its possibilities" (CC 133). La seconde leçon porte sur le contenu spécifiquement humain de la poésie, c'est "the lesson of width of emotional range" qui va chez Dante du "désespoir de la dépravité" à "la vision béatifique", et Eliot d'en conclure :

It is therefore a constant reminder to the poet, of the obligation to explore, to find words for the inarticulate, to capture those feelings which people can hardly even feel, because they have no words for them; and at the same time, a reminder that the explorer beyond the frontiers of ordinary consciousness will only be able to return and report to his fellow-citizens, if he has all the time a firm grasp upon the realities with which they are already acquainted. (CC 134)

Comme on le voit à travers ces quelques citations, ce qui importe à Eliot, c'est la faculté qu'a la poésie de transmuer, grâce à la maîtrise de toutes les potentialités du langage par l'imagination auditive, le rêve inférieur en rêve supérieur, sans néanmoins lui faire rien perdre de l'un ou de l'autre et sans que cette double appartenance, au réel marqué par la chute d'un côté et à l'ordre divin de l'autre, lui confère pour autant la moindre ambiguïté morale.

On retrouve des accents eliotiens dans la distinction que fait Seamus Heaney, dans Preoccupations, entre les bons artisans en poésie et les véritables artistes. Alors que les premiers ont une parfaite maîtrise de toutes les ficelles du métier, désignée du nom de "craft" et décrite comme "a capable athletic display", que l'on pourrait rapprocher du jeu de la fantaisie limité, chez Coleridge, aux "definites and fixities" que lui offre la mémoire, seuls les seconds détiennent ce que Heaney nomme "technique" qui repose non seulement sur l'art de jongler avec les mots mais aussi sur un travail du poète sur lui-même:

 It involves the discovery of ways to go out of his normal cognitive bounds and raid the inarticulate; a dynamic alertness that mediates between the origins of feeling in memory and experience and the formal ploys that express these in a work of art. Technique entails the watermarking of your essential patterns of perception, voice and thought into the touch and texture of your lines; it is that whole creative effort of the mind's and body's resources to bring the meaning of experience within the jurisdiction of form. (P 47)

 

 

6

 

Chez Heaney la juridiction est dans la forme et la forme c'est la marque d'une voix particulière, alors que pour Eliot elle relève d'un rapport métaphysique à l'ordre divin, qui se révèle être en fait un rapport au dogme de nature analogue à celui qui existe entre Dante et Saint Thomas d'Aquin. Dans "The Government of the Tongue" (la première des "T. S. Eliot Memorial Lectures" de 1986, reprise dans le volume auquel elle donne son nom), Heaney contraste la lecture que fait de Dante Ossip Mandelstam avec la lecture qu'en donne Eliot :

Mandelstam brings Dante back from the pantheon to the palate, subverts the age-old impression that his work was written on official paper, and locates his authority not in his cultural representativeness, his religious vision or his sternly unremitting morality but rather in his status as an exemplar of the purely creative, intimate, experimental act of poetry itself (GT 95-96)

 Et il ajoute un peu plus loin : "Mandelstam was interested primarily in vindication by language, Eliot in salvation by conversion" (GT 98).

Sans vraiment condamner les Quartets, Heaney ne cache guère sa préférence pour The Waste Land où il voit quelque chose du Dante de Mandelstam :

Eliot's poem proceeds upon the eerie flood of its own inventiveness. But in the Quartets, Eliot has been born again out of the romance of symbolism into the stricter exactions of philosophia and religious tradition. The inspired, spontaneous, essentially lyric tongue has been replaced as governor by an organ that functions more like a sorrowful grand seigneur, meditatively, authoritatively, yet just a little wistfully aware of its lost vitality and insouciance. (GT 98-99)

Dans un article sur les Clark Lectures d'Eliot (récemment publiées sous le titre Varieties of Metaphysical Poetry, 1993), Geoffrey Hill se montre beaucoup plus sévère :  

Eliot aims at pitch but, for the most part, succeeds only in tone. I say 'succeeds' because tone is what people expect and suppose themselves familiar with. It was the pitch of Prufrock and Other Observations that disturbed and alienated readers; it was the tone of Four Quartets which assuaged and consoled them. That is to say, Eliot's poetry declines over thirty years from pitch into tone and these late-published papers contribute significant evidence to the history of that decline. (Agenda, vol. 34, n° 2, 22)


 

7

 

Et Hill de conclure : "The residual beneficiaries of Four Quartets have been Larkin and Anglican literary 'spirituality', two seeming incompatibles fostered by a common species of torpor which Eliot had acutely diagnosed in 1920."

On est là aux antipodes du discours que prononça Ted Hughes au dîner du centenaire d'Eliot, publié sous le titre, emprunté à Coleridge, "The Poetic Self" où Eliot est acclamé comme "the purest of all poets, the most authentic of all poets" (Winter Pollen 290), au terme d'une description de sa carrière que Hughes résume ainsi :

What had begun as a shamanic crisis-call to regeneration, in the depths of the adolescent, matriarchal psyche, a dark place of savage drumming which he referred to often enough but never tried to disown, drew him through those flames of the tragedy of Eros into an imitatio Christi and the paternal authority of a high priest in a world religion. (WP 290)

Ces divergences de vue entre les trois poètes nous amènent à regarder de plus près, à travers quelques unes des lectures qu'ils nous proposent, les deux termes de la contradiction fondatrice de l'écriture poétique chez chacun d'entre eux.

Il serait trop long de développer ici la fable que construit Hughes, à partir des deux poèmes "Venus and Adonis" et "The Rape of Lucrece" qui lui apparaissent comme "the two unjoined halves of a single story" (WP 112), pour en faire la matrice de toute l'oeuvre shakespearienne. Il suffira de dire que, selon Hughes, se dresse entre ces deux moitiés "a frightening psychic event" et qu'en conséquence "Nature's attempts to recombine, first in love, then in whatever rebuffed love turns into, and the puritan determination that she shall not recombine under any circumstances, are the power-house and torture-chamber of the Complete Works" (WP 114). Les deux forces en présence sont l'Eros maternel qui unifie et la loi paternelle du puritanisme qui divise.

C'est un affrontement similaire que Hughes retrouve dans les "ancestral voices" de "Kubla Khan" ainsi que dans "The Ancient Mariner" et "Christabel" de Coleridge qu'il analyse là encore à partir d'une division de la personnalité entre deux moi: d'un côté "the Christian self' qui est le seul moi auquel Coleridge reconnaît droit de cité et de l'autre "my remaining and unleavened self' que Coleridge associe au serpent (WP 377) et en lequel Hughes reconnaît l'appel de la déesse et de la vision poétique (WP 390).

Dans l'essai consacré aux carnets de Sylvia Plath (WP 177-190), le combat entre des forces antagonistes est représenté par la lutte entre le moi et son double aliénant et mortifère, et l'on retrouve un même affrontement dans l'essai sur Eliot, "The Poetic Self'. Cependant le rapport de valorisation entre le moi et l'Autre s'y trouve inversé. Hughes y envisage en

 

8

 

 

effet l'Autre non plus comme une force pathologique mortifère, mais comme "that other voice which in the earliest times came to the poet as a god, took possession of him, delivered the poem, then left him" (WP 268), double inspiré qui va permettre au poète de règler ses comptes avec un monde considéré comme entropique et aliénant. Dans cet essai c'est la Guerre de 14 qui sert de miroir historique (WP 269). L'image qu'emploie Hughes pour en décrire les convulsions où se superposent mort et naissance, "the final switchover from amniotic ocean of buoyant soul to free-fall gulf of elemental oxygen" (ibid.), est essentielle pour comprendre qu'il place ici "the whole metaphysical universe centered on God", dont la perte va jouer pour Eliot le rôle de la catastrophe tribale, du côté de l'amniotique et donc de la Grande Déesse; ce qui va lui permettre de placer le moi poétique éliotien du côté du fils de Vénus, "that seminal deity of the ancient world - Eros, the god of love" (WP 278). Après avoir fait de Yeats "a shamanic type", Hughes en voit un autre en Eliot (WP 272). C'est qu'en fait, nous dit Hughes, ce que nous prenons pour la mort de Dieu n'a été que son intériorisation: "the God centered metaphysical universe of the religions suffered not so much an evaporation as a translocation. It was interiorized /.../ and centered on an idea of the self' (WP 274). Ce moi caché prend la forme d'une sorte de doppelgänger qui, bien que restant la plupart du temps "incognito", dit Hughes, contient probablement "in its vital and so to speak genetic nucleus, the true self, the self at the source, that inmost core of the individual, which the Upanishads call the divine self, the most inaccessible thing of all" (WP 275). C'est de la rencontre entre ce moi caché et le moi aux prises avec le monde que, selon Hughes, naquirent les poèmes qu'Eliot livra à ses lecteurs. Mais c'est seulement dans les poèmes qu'Eliot avait décidé de ne pas publier, et tout particulièrement dans "The Death of Saint Narcissus", qu'apparaît en clair l'image cachée du moi: "the true self in an unveiled form, and something more too, something like Blake's 'fury of a spiritual existence' " (WP 282). Dans le St Narcisse d'Eliot Hughes lit "the elemental and timeless incarnation of all the dying gods of the birth, copulation and death mythos - Tammuz, Attis, Osiris and the rest /.../ torn to pieces, mourned for and reborn: the god who was finally assumed as the tragic, sacrificed form of Eros, simply the god of love" (WP 283), en d'autres termes un dieu qui n'est autre que le fils de la Grande Déesse et s'oppose donc à tout ce qui relève de l'idéologie des puritains non seulement comme agents de répression mais aussi, incidemment, comme réinventeurs de la démocratie.


S'il arrive également à Heaney d'envisager l'affrontement des contraires en termes d'opposition entre un lyrisme hédoniste et un courant puritain, ce n'est plus, comme chez Hughes, pour suivre les péripéties qui doivent mener à la victoire ou à la faillite de l'un ou de l'autre des deux antagonistes, mais bien plus pour montrer leur mode de coexistence dans un même processus créateur
(The Government of the Tongue 100). C'est avant tout la voix
 

 

9

 

lyrique qui intéresse Seamus Heaney et le problème central qu'il se pose c'est de savoir qui gouverne dans l'écriture: est-ce la force lyrique de l'écriture elle-même, telle qu'elle apparaît dans ce que Valéry nomme le "vers donné", dont l'émergence est semblable à celle d'un "dark embryo", image empruntée à T. S. Eliot, (On Poetry and Poets 97-98) qui la tenait lui-même de Gottfried Benn, ou d'un "lump in the throat" qui en est l'équivalent chez Robert Frost (cité à plusieurs reprises dans Preoccupations, en particulier p. 49) ou bien est-ce la volonté de celui qui écrit ?

Dans "The Makings of a Music" (Preoccupations 61-78), où il contraste le lyrisme de Wordsworth avec celui de Yeats, Heaney décrit la musique de Wordsworth comme "swimming with the current of its form rather than against it" alors que celle de Yeats est, selon lui, "affirmative, seeking to master rather than to mesmerize the ear, swimming strongly against the current of its form" (P 61-62). Heaney considère que là où "Wordsworth continued to think of the poetic act as essentially an act of complaisance with natural impulses and tendencies", chez Yeats au contraire "the act is not one of complaisance but of control" (P 71). Au "listening in" de Wordsworth, à son attitude favorite de "wise passiveness", Heaney oppose l'attitude de Yeats pour lequel "composition was no recollection in tranquillity, not a delivery of the dark embryo, but a mastery, a handling, a struggle towards maximum articulation" (P 75). Pour Heaney la poésie de Yeats est délibérément masculine et c'est aussi du côté du masculin qu'il place celle de Hopkins dans "The Fire i' the Flint" (P 79-97) où, à partir d'une citation de Timon d'Athènes, il divise la poésie en deux modes opposés, l'un féminin que l'on trouve chez les poètes pour lesquels "Our poesy is as a gum which oozes/ From whence 'tis nourished" et l'autre masculin chez ceux pour lesquels elle est semblable à "the fire i' the flint/Shows not till it be struck".

Comparant "the Sick Rose" de Blake et "Heaven Haven" de Hopkins, Heaney dit du premier "The poem drops petal after petal of suggestion without ever revealing its stripped core: it is an open invitation into its meaning rather than an assertion of it" (P 83). En d'autres termes le poème est du côté de ce que Heaney a décrit comme une sorte de parthénogénèse dont "Shakespeare's ooze" et "Eliot's dark embryo" seraient des métaphores (P 83). Avec Hopkins au contraire "We are now in the realm of flint-spark rather than marshlight. 'Heaven-Haven' is consonantal fire struck by idea off language" (P 84). Heaney remarque qu'à la différence des premiers poèmes de Hopkins où la posture était, comme celle des romantiques, "one of surrender to experience", dans les poèmes de la maturité, "it is one of mastery, of penetration" (P 87). "Hopkins's poems, dit encore Heaney, were conceived as the crossing of masculine strain on feminine potential" (P 95).

Chez Yeats, "An Anglo-Irish Protestant deeply at odds with the mind of Irish Catholic society" (P 106), ce que l'art se donne pour but de maîtriser, ce n'est plus le flux d'un moi

 

 

10

 

 

intime féminin, nous dit Heaney dans "Yeats as an Example?", c'est le courant même de l'histoire: "Art can outface history, the imagination can disdain happenings once it has incubated and mastered the secret behind happenings. In fact we can sense a violence, an implacable element in the artistic drive as Yeats envisages it and embodies if' (P 99). Yeats alla même, dit Heaney, jusqu'à froidement se refaire lui-même : "In order to fly the philistinism of his own class and the pious ignorance of another creed, Yeats remade himself, associated himself with cold, disdainful figures of whom Charles Stewart Parnell was the archetype and "The Fisherman" was a pattern" (P 108). À ce "remaking" et aux poèmes comme "Under Ben Bulben" où se manifeste "something too male and assertive" (P 113), Heaney préfère néanmoins visiblement les poèmes où il décèle, non plus l'arrogance aristocratique de l'homme mais "the humility of his artistic mastery before the mystery of life and death" (P 110-111). Et il termine son essai en citant "Cuchulain Comforted", "a poem which Yeats wrote within two weeks of his death, one in which his cunning as a deliberate maker and his wisdom as an intuitive thinker find a rich and strange conclusiveness" (P 113).

À la fin de l'essai "The Government of the Tongue", Heaney situe la poésie dans la faille qui sépare réalité et désir, "in the rift between what is going to happen and whatever we wish to happen". 11 y voit un seuil : "Poetry is more a threshold than a path, one constantly approached and constantly departed from, at which reader and writer undergo in their different ways the experience of being at the same time summoned and released" (GT 108).

Chez Geoffrey Hill le concept essentiel est moins celui de seuil que celui de limite, comme l'atteste le titre de son premier recueil d'essais, The Lords of Limit, emprunté à un poème de jeunesse d'Auden, "The Watchers". L'art du poète n'est pas pour lui de franchir la limite du connaissable, mais bien plutôt de se tenir en équilibre à l'extrême bord où les mots basculent d'un sens dans un autre. Cela n'exclut pas pour autant l'idée de profondeur, mais pour Hill cette profondeur est avant tout d'ordre moral, ou du moins est-ce une question de dignité humaine. Hill cite volontiers cette phrase d'Ezra Pound: "The poet's job is to define and yet define till the detail of surface is in accord with the root in justice" (LL 3). Justesse et justice s'y recouvrent, comme chez Dante qui en fut sans doute l'inspirateur. Si le poète remplit sa mission "He may `rise to be a person' in a society of aggregates and items; he may even transfigure and redeem that 'word helotry' to which Dr George Steiner sees the merely literate man ultimately condemned in a culture divided between electronic data-processing and music" (LL 18). "Transfigure and redeem" sont des termes tout à fait eliotiens et l'on peut voir dans la division entre les données éparses d'un côté et la musique de l'autre une version moderne de la division de la sensibilité; mais chez Hill ce n'est pas tant de l'humain au divin qu'il convient de passer que de parvenir à cet "at-one-ment" moral

 

 

11

 

qui ne peut se faire que par la crainte, sur laquelle se fonde le respect de soi-même, comme il appert dans ces vers d'Empson que cite Hill à la fin de son premier essai: "To take fear as the measure/May be a measure of self-respect" (LL 18).

Dans le poème d'Auden les gardiens, 'The lords of limit', sont Castor et Pollux dans la constellation des Gémeaux, "Whose sleepless presences endear/Our peace to us with a perpetual threat". Par la menace - la négation - ils tiennent à distance le chaos qui est lui-même menace; ils sont donc conjointement négation et affirmation, contrainte et libération, et Geoffrey Hill voit en eux l'image de ce qu'a de rédempteur l'art du poète: "in the constraint of shame the poet is free to discover both the 'menace' and the atoning power of his own art" (LL 17).

Cette menace et cette réunification rédemptrice, Hill les trouve dans une lettre du poète Charles Hamilton Sorley qui, tout en se montrant parfaitement lucide face à la sentimentalité pleine de clichés des poèmes de Rupert Brooke, "atones for Brooke's 'sentimental attitude'; that is, it brings together details and perceptions which the 'sentimental attitude' has arbitrarily set apart and at odds". Le cliché sentimental n'est que de la rhétorique morte, mais Hill remarque chez Sorley "a turn of phrase precisely evoking the supportive yet coercive role of militant cliché" (LL 10-I1). Dans son essai sur Ben Jonson, il ajoute : "In fact, the clichés and equivocations of propaganda or of 'public relations' are also part of the living speech of a society" (LL 39).

Selon Hill, la présence insidieuse des clichés dans le langage est liée aux relations de pouvoir dans la société. Le sous-titre de The Enemy's Country, son second recueil d'essais, "Words, Contexture, and Other Circumstances of Language" est d'ailleurs ouvertement tiré du Léviathan de Hobbes, dont il nous dit que Davenant, auquel est emprunté le titre lui-même, en fit son guide en terre ennemie, "as one who went 'not by common Mapps' but 'painefully made /his/ own Prospect' " (EC Xii). Ces cartes communes, trop soumises au poids de la contingence, ne peuvent conduire qu'au cliché, à ce que Hill, citant partiellement Coleridge, dans le premier essai de The Lords of Limit, nomme "the 'wilful resignation of intellect' to the dominion of common assumption and mechanical categorization" (LL 5). Dresser à grand peine son propre point de vue, c'est la même chose que pour Coleridge "win one's way up against the stream" (LL 5), mais cela demande un usage particulier du langage par l'artiste.

Aux deux extrémités des fondements sociaux du langage, Hill situe, dans ses essais sur Dryden, ce qu'il nomme 'otium' : du côté où n'existe pas la pression des circonstances, c'est l' 'otium' aristocratique, fondé sur le dédain, du côté où l'on est soumis au pouvoir, cela devient une soumission à la rhétorique dominante (EC Xii), qu'il désigne comme "the otiosity and vacuity of formal language" (EC 15). Entre le dédain aristocratique et la

 

12

 

 

soumission des dominés, s'ouvre néanmoins l'espace du 'negotium' qui est pour le poète l'espace où peut s'exprimer la liberté de son art. Non que l'otium aristocratique ne puisse donner lieu, aux mains de l'artiste, à de la grande poésie; mais cela ne se produit en fait qu'au moment s'inverse la relation de pouvoir, comme à la fin d'All for Love Antoine vaincu, défie le destin, comme le cerf aux abois, par la magnificence d'un langage qui détourne les clichés de la rhétorique pour s'affirmer comme supérieur aux circonstances qui l'accablent: "the destructive business of time, attrition, misjudgement, folly, the vacuous, otiose hyperbole of bad Restoration 'heroique', all the 'unhappy circumstances' of life and art, turned at one stroke of defiant judgement into infinite leisure" (EC 19).

Pour Dryden lui-même, qui ne jouissait pas du pouvoir aristocratique de dominer ainsi les circonstances, il ne restait qu'à entrer dans le negotium d'un langage "where 'otium' and 'nec-otium' come together in the only way that counts" (EC 70). Sa pratique artistique consiste donc en un "laborious negotiating of 'le bon sens' amid the heavy-laden language of 'custom and common use', but also of a reconciling of circumstance and judgement" (EC 70). Dans sa résistance à la rhétorique dominante, que représentent ici "custom and common use", le poète dispose de plusieurs méthodes dont on pourrait dire que toutes visent à mettre en cause le discours au moment même de son énonciation; ainsi Hill voit-il "antiphons of vital change" dans les parenthèses que défendait Coleridge parce qu'elles permettent de maintenir "the Brama of reason" et d'échapper ainsi à l'hortus siccus des idées reçues (LL 90). "The prime significance of Swift's 'sin of wit', dit Hill dans un autre essai, is that it challenges and reverses in terms of metaphor the world's routine of power and, within safe parentheses, considers all alternatives including anarchy" (LL 75). L'espace de la parenthèse, c'est pour Hill l'espace de la résistance par décalage, l'espace de l'antiphonique, qu'il retrouve sous une forme, certes toute autre, mais néanmoins équivalente chez Hopkins.

Là où Heaney voit en effet chez Hopkins la mise au pas du féminin par le masculin, Hill voit en lui la résistance aux idées reçues sur le poétique, fût-elle au détriment de la compréhension du poème par un lecteur réticent ou trop pressé. Chez Hopkins c'est dans l'invention du "sprung rhythm" que se situe le décalage créateur : "the achievement of sprung rhythm is its being `out of stride' if judged by the standards of common (or running) rhythm, while remaining `in stride' if considered as procession, as pointed liturgical chant or as shanty" (LL 97-98). On voit bien ici l'opposition entre "pointed" qui est ce vers quoi pointe Hopkins et "common" qui est ce qu'attend le lecteur.

Lorsque le décalage créateur implique une inversion complète de la vision, il peut se manifester par une rupture totale du rythme, comme entre les strophes huit et neuf de "Ode: Intimations of Immortality" où Hopkins aussi voyait un moment magique (cité dans LL 87). "The break, nous dit Hill, far from being an injury sustained, is a break proclaimed" (LL 87),

 

 

13

 

/.../ Wordsworth transfigures a fractured world" (LL 88). Lorsque en revanche, comme au temps de Dryden, il n'était guère prudent de trop proclamer sa résistance, la dignité de l'art était toute dans la connotation.

Là où en effet, dans son besoin de voir en lui une pauvreté spirituelle, Eliot avait accusé Dryden d'être inapte à la connotation (SE 314-315), Hill découvre au contraire chez lui une conscience aiguë des connotations antagonistes d'un certain nombre de mots stratégiques qu'il avait eu l'occasion de méditer en traduisant Virgile ; parmi eux le mot 'labor' où, nous dit Hill, Dryden reconnaît à la fois "the tenacity of the craftsman and the drudgery of the hack" (EC 6) et, ajoute Hill, "It is a matter of angry pride with him to redeem the circumstances of the second by exercising the skill and judgement of the first" (EC 6). Tout l'art de l'élégie "To the Memory of Mr Oldham", le poète qui avait remplacé Dryden dans la faveur du duc de Rochester, tient à ce que Hill nomme "the stylishness with which it both maintains the decorum of `indulgence' and implies the cost that decorum extorts from 'curb'd genius'."

Dans les pièces romaines de Ben Jonson, Hill notait déjà : "a stress and counterstress is evoked from the conflicting connotations of words such as 'liberty' or 'freedom' (LL 40). Soit les connotations antagonistes se résolvent en vision morale unifiée manifestant l'aptitude de Jonson à employer "ambiguity - of word, phrase or situation - to give what is ultimately a quite unambivalent expression to moral preference or decision" (LL 47) soit au contraire subsiste une zône de non résolution des conflits: "But there are occasions when, it seems, Jonson succombs to the contradictions of the age, when he is unable, even reluctant, to tie down and tame the airy, floating connotations in words such as `noble', or 'vertue', or 'poverty' (LL 53). Cette capacité à suspendre tout jugement (LL 50), Hill y revient à propos de Cymbeline dont il situe la virtuosité "in the association of committed technique with uncommitted observation" (LL 56), comparant la technique de Shakespeare à celle de ces palimpsestes photographiques que l'on obtient par double exposition (LL 57), pour en conclure: "reticence about things that cannot he reconciled is a characteristic of the last plays" (LL 62).

Fondé, selon Hill, sur l'art de l'oxymore et de la connotation, "style is a seamless contexture of energy and order which, time after time, the effete and the crass somehow contrive to part between them" (EC 81).

On aura remarqué, au cours de cette étude, que chacun des poètes, y compris Hill qui est le plus "intellectuel" des trois, et presque marxiste dans ses analyses les plus hobbesiennes, organise sa lecture moins autour de concepts abstraits qu'à partir d'une configuration imaginaire qui lui est propre. À l'opposition païen-maternel/puritain-répressif chez Hughes, se substitue, chez Heaney, une opposition plus large féminin-fluide et

 

14

 

chaud/masculin-dominateur et froid et, chez Hill, une opposition entre negotium artistique qui respecte "the drama of reason" et otiosité du cliché et d'une rhétorique convenue qui figent, assez proche de celle entre imagination et fantaisie chez Coleridge : trois séries d'oppositions qui, de même qu'elles produisent des lectures assez différentes, voire parfois contradictoires, produisent au niveau de l'écriture des poètes des oeuvres tout à fait distinctes, comme on pourrait le montrer à partir de Gaudete pour Hughes, "Station Island" pour Heaney" et "The Mystery of the Charity of Charles Péguy" pour Hill. "Ainsi tourne la parole autour du livre, écrit Barthes: lire, écrire, d'un désir à l'autre va toute littérature. Combien d'écrivains n'ont écrit que pour avoir lu? Combien de critiques n'ont lu que pour écrire?" (Critique et vérité 79).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

15

 


BIBLIOGRAPHIE

AUDEN, W.H, Collected Poems (ed. E. Mendelson). London: Faber and Faber, 1976.

BARTHES, Roland, Critique et vérité. Essai, Paris: Éditions du Seuil, collection "Tel Quel", 1966.

ELIOT, Thomas Steams, The Sacred Wood. London: Methuen, 1920.

   Selected Essays. London: Faber and Faber, 1932,1963.

   The Use of Poetry and the Use of Criticism. Faber and Faber, 1933,1964.

   On Poetry and Poets. London: Faber and Faber, 1957,1961.

   To Criticize the Critic and Other Writings. London: Faber and Faber, 1965.

  The Varieties of Metaphysical Poetry (ed. Ronald Schuchard). The Clarke lectures at Trinity College, Cambridge, 1926 and the Turnbull lectures  at the Johns Hopkins University, 1933. London: Faber and Faber, 1993.

HEANEY, Seamus, Preoccupations, Selected Prose 1968-1978. London: Faber and Faber, 1980.
   T
he Government of the Tongue, The 1986 Memorial Lectures and Other Critical Writings,
London: Faber and Faber, 1988.

HILL, Geoffrey, The Lords of Limit: Essays on Literature and Ideas. London: André Deutsch, 1984.
   The Enemy's Country. Words, Contexture and Other Circumstances of Language.
Stanford, Cal.: Stanford University Press, 1991.
  "Dividing Legacies",
Agenda, vol. 34, no. 2, 9-28.

HUGHES, Ted, Shakespeare and the Goddess of Complete Being. New York: Farrar, Strauss and Giroux, 1992.
  Winter Pollen. Occasional Prose
(ed. William Scammel), London: Faber and Faber, 1994.

 

 

 

 

 

 

(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 11. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1997)