(réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 10. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1996)

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Durrell : la clôture impossible ?

Corinne Alexandre-Garner (Université Paris 10)

Since then, at an uncertain hour
That agony returns;
And till my ghostly tale is told
This heart within me burns.
Coleridge, The Rime of the Ancient Mariner

Je souhaite commencer par cette strophe de The Rime of the Ancient Mariner, que Primo Levi avait placée en exergue de son dernier ouvrage Les naufragés et les rescapés, publié en Italie en 1986. De l’acte d’écrire, il disait  : "il me semblait que je me purifiais en racontant, je me sentais semblable au vieux marin de Coleridge ... en écrivant, je retrouvais des bribes de paix, et je redevenais un homme, un parmi les autres, ni martyre, ni infâme, ni saint, l’un de ces hommes qui fondent une famille et qui regardent vers l’avenir autant que vers le passé."

Primo Levi parlait du devoir de transmettre, de laisser trace, dans tous ses livres, de l’expérience limite qui avait été la sienne. Il parlait de la nécessité d’écrire. J’aimerais ajouter à ces lignes cette phrase de Dominique Rabaté qui explique que "le roman serait toujours d’une certaine façon, l’histoire de la transformation d’une perte en un certain gain" (EE 95) (1). Si on accepte cette supposition avec lui, il s’agira de comprendre comment s’opère cette transformation et comment la fin du roman témoignerait de l’aboutissement de cette transformation ou du moins de sa mise en œuvre. Écrire de la fiction ou témoigner par l’écriture relèvent-ils de la même nécessité d’écrire et le travail de l’écriture relève-t-il du même ordre ?

Dans Le mot de la fin, Guy Larroux pose la question de savoir où commence la fin du roman et il conseille de commencer la lecture par la fin pour trouver : "la limite interne, la zone frontière qui va amener [le lecteur] vers la terminaison du récit" (30). Si l’on admet

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1. Se reporter aux références bibliographiques à la fin de l’article.

  

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avec Barthes que "le sens n’est pas au bout du récit, il le traverse" (ASR 12), on voit la difficulté de définir le lieu de la clôture du texte qui n’est pas toujours équivalent à la fin du récit, ni au dénouement de l’intrigue dans la fiction, au point final d’un récit dans un texte qui n’est pas de fiction.

Cela nous amène tout d’abord à nous poser un certain nombre de questions sur l’écriture, sur le texte, et plus particulièrement sa clôture et dans un deuxième temps sur la clôture de l’œuvre et sur la relation de l’auteur avec son dernier texte.

Je partirai du texte durrellien pour, dans un premier temps, me demander s’il existe un protocole de clôture dans les cycles romanesques. Puis, j’étudierai plus précisément la clôture du dernier cycle romanesque The Avignon Quintet, en parallèle avec l’ultime ouvrage de l’auteur Caesar’s Vast Ghost, que Durrell reçut de son éditeur la veille de son décès en novembre 1990.

De l’étude des clôtures provisoires des cycles, et de celle définitive de l’œuvre, j’en viendrai à me poser la question essentielle  : est-il jamais possible pour un écrivain de clore un texte ?

 

En 1989, Edmond Jabès écrivit dans son avant dernier ouvrage : "On n’écrit jamais le Livre, mais seulement son origine et son terme, ses deux abîmes" (E 23). Ce sont précisément ces deux abîmes qui m’intéressent chez Durrell mais mon questionnement m’amène aussi vers le mouvement de clôture du mouvement de l’écriture, clôture ultime dont on se demandera, en se rappelant Freud parlant de la psychanalyse, si c’est un mouvement qui peut se terminer ou qui demeure à jamais interminable.

La clôture ultime du texte désigne et interroge la valeur et le sens du point final typographique de l’œuvre et le devenir de celui qui a placé ce point ... On pourra entendre ici un discret hommage au dernier pas de Gilles Deleuze, dans un mouvement vers le dehors.

Par-delà une première étude des textes de Lawrence Durrell, dont les fins de textes sont compliquées et symptomatiques de l’œuvre mais aussi d’une certaine conception de l’écriture, et d’une position philosophique, nous poserons les jalons d’un autre questionnement.

Il s’agira, à propos de l’écriture, de se poser le problème de la renonciation, de la séparation du corps de l’auteur d’avec le corps du texte, en esquissant un aparté sur les cailloux dans les poches qui peuvent mener dans l’Ouse lors d’un dernier "Voyage Out," mais peuvent aussi comme les petits cailloux de personne dans La Langue de personne (je fais ici référence au livre de Rachel Ertel) ou La Rose de personne laisser la trace d’une souffrance absolue ("that agony returns  : Until my ghastly tale is told") devant l’échec de l’écriture lorsque la trace d’une transmission ne rencontre qu’un no man’s land, une terre de

 

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personne et que l’écrivain affronte l’impossibilité de l’écriture par rapport à l’indicible de l’indicible. Se pose alors la question admirablement décrite par Semprun dans son récent ouvrage "L’écriture ou la vie."

"Le cercle refermé" (en français dans l’édition anglaise), le titre du dernier poème de l’ultime ouvrage de Lawrence Durrell qui se clôt par le mot "goodbye" est plus qu’un double appel à la réflexion sur la clôture du texte.

Pourtant c’est précisément parce que ce mot clausulaire nous indique trop précisément la clôture définitive qu’il nous mène à nous interroger sur l’illusion de la clôture, l’utilisation du point final de l’œuvre, et la question de la clôture de l’œuvre littéraire.

Habile metteur en scène des jeux de l’écriture à travers toute son œuvre, l’auteur a toujours mis en cause les codes préétablis, pourtant la relation étrange entre la clausule de sa dernière fiction et celle de son dernier récit non fictionnel nous indique que Durrell est peut-être resté prisonnier du jeu de la subversion des signes qu’il avait lui-même établi.

Dès ses premières écrits, Durrell pose à l’intérieur du texte le problème de la fin du texte. Dans le Black Book (1936) qui ne sera autorisé à paraître en Angleterre qu’en 1973, on peut lire cette phrase : "what book is different for the word FINIS on its last page?" (75) C’est peut-être précisément à cette question que toute l’œuvre tend à répondre.

Si la dernière phrase du Black Book : "this is how it ends" (244) annonce les mots de clausule the end, il faut remarquer que, dans ce texte, ce qu’ils énoncent est précisément la dénégation du commencement que le texte met au travail. Ce livre déclare et démontre la naissance d’un écrivain qui a trouvé sa voix et commence un carrière d’écriture pour laquelle il annonce trois cycles : "an agon," "a pathos," "an anagnorisis" qui deviendront The Black Book, The Alexandria Quartet, The Avignon Quintet. Cycles auxquels il mettra un point final une cinquantaine d’années plus tard, clôturant ainsi son projet personnel d’écriture.

On ne peut rester insensible au fait que, dans les livres limites de l’œuvre, c’est précisément le problème des limites qui se pose, alors que dans les autres ouvrages de l’auteur on verra se développer un discours sur la représentation et l’interprétation, lié à chaque étape de l’œuvre au développement de l’écriture.

Pour Durrell, comme pour de nombreux auteurs, le livre est tout à la fois un univers, un tout, une représentation du monde et le mode d’emploi de sa lecture. L’univers décrit dans son récit est protéiforme, parfois confus et toujours débordant de récits différents, de multiples narrateurs écrivains, d’époques qui se mêlent et de représentations fragmentées d’un tout qui ne serait précisément que la scène de l’écriture et la représentation du livre.

L’auteur aimait à expliquer que la lecture de ses ouvrages devait changer le monde.

 

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Les cycles de romans relèvent de plusieurs genres dont le roman d’amour et le récit d’apprentissage mais aussi parfois la tragédie, le roman policier, la poésie, l’humour et la mise en question de l’écriture ne sont jamais vraiment absents des textes.

Ces ensembles configuratifs sont des romans gigognes, des romans appareils dans lesquels la mise en abyme est un élément essentiel, particulièrement dans le dernier cycle d’Avignon.

Cette présentation rapide est indispensable pour aborder le problème de la clôture de l’œuvre de chacun de ces ensembles mais aussi les clôtures provisoires des différents volumes de chaque cycle et pour se demander s’il existe un protocole de sortie des romans de Durrell ? Les terminaisons des textes partiels des cycles sont-elles équivalentes ? Existe-t-il des différences ou des parallèles dans la clôture même des cycles ? On notera que dans tous les cycles de romans, il existe des lieux terminaux, qui suivent les textes de fiction. Ces paratextes ont-ils tous le même statut, la même fonction ? À quoi servent ces paratextes hors de l’espace de la fiction mais parties intégrantes du livre ?

Quel jeu l’auteur entend-il mener avec son lecteur et quel subterfuge utilise-t-il pour déjouer et différer le moment de la séparation d’avec son œuvre ?

 

Il faut d’abord remarquer qu’aux deux cycles des quatre romans du Quartet (écrit à la fin des années cinquante) et des cinq romans du Quintet (terminé en 1985) devant former une sorte d’entité mythique qui marierait au sens tantrique le roman européen d’Alexandrie au roman tibétain d’Avignon et réconcilierait ainsi deux philosophies antagonistes, s’opposent The Black Book et le cycle de The Revolt of Aphrodite comprenant deux ouvrages, Tunc et Nunquam.

Ce n’est que dans un deuxième temps que nous étudierons les deux longs cycles en parallèle. Auparavant, il nous faut remarquer que, de tous les romans (il en existe une quinzaine), seuls The Black Book et Nunquam se terminent par les mots qui énoncent la fin : "the end." Si l’utilisation de cette clausule pour The Black Book est une dénégation du récit et une confirmation que le mot fin qui clôt ce texte n’est qu’une convention dont l’emploi est a priori mis en question par un texte qui met en cause toute convention littéraire et se propose de transgresser les codes compositionnels, dans Nunquam, au contraire, ce mot ultime du texte joue un tout autre rôle. En effet, dans ce roman écrit juste après la mort de Claude-Marie Vincendon, la troisième femme de l’auteur, avec laquelle il avait choisi de s’installer en France et de devenir écrivain à plein temps, le statut du mot fin devient très différent, et prend tout son poids notionnel.

Le premier volume de cet ensemble se terminait par cette phrase interrogative  : "surely there was a shot?" (T 316). Le point d’interrogation est ici un leurre pour le lecteur averti

 

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qui sait et qui comprend que, par cette question, on annonce la mort d’un enfant mâle, le fils du créateur, tué par le piège inventé par son propre père pour protéger son invention, un ordinateur très puissant, Abel, qui ne devait surtout pas tomber en des mains étrangères. L’enfant connaissait l’existence du système de protection qui devait en cas de danger détruire ce puissant instrument de mémoire et de connaissance. Ce quasi-suicide d’un enfant qui préfère sa propre mort à l’anéantissement du travail de son père protège la potentialité créatrice de son géniteur. Pessimisme absolu de la représentation d’un monde où le père ne peut que tuer ses enfants ou voir son œuvre disparaître, posant ainsi le problème récurrent dans l’œuvre de Durrell de la relation entre la création et la procréation.

Ce cycle de romans qui comprend Tunc et Nunquam, à l’architecture et à l’écriture aride, s’oppose totalement au cycle précédent, The Alexandria Quartet, et ouvre une période d’écriture mortifère qui se déchiffre dans la clôture du deuxième et dernier volume du cycle d’Aphrodite, Nunquam. Ce livre qui sera le dernier de toute l’œuvre à se terminer par les mots "THE END" porte dans cette autodésignation de la fin un double paradigme au niveau textuel et autobiographiqhe.

On remarquera que les paratextes de Nunquam jouent un rôle de cadre qui désignent la mort et la femme aimée et décédée à laquelle les deux volumes sont dédiés. Son nom se donne à lire avant même que le lecteur n’entame le texte de fiction qui lui est dédié. Quant au dernier volume, il ne se clôt pas seulement sur le mot fin mais sur une redondance de cette fin, une postface qui n’est rien de moins qu’une lettre adressée à une destinataire absente, cette femme aimée qui n’est plus de ce monde.

Clôture d’un texte qui décrit un déclin très spenglérien de l’occident, un mouvement vers la mort, vers l’au-delà de la mort. Malgré l’ironie du post-scriptum de cette lettre, on constate le début d’un mouvement de l’œuvre qui s’achemine vers sa fin, et ne fait pas seulement le deuil de l’être aimé et d’une civilisation perdue, il annonce peut-être déjà quelque chose d’un "dernier style" de l’auteur.

The Revolt of Aphrodite, cycle charnière de l’œuvre de l’auteur, non prévu par le projet d’écriture du jeune Durrell dans le Black Book, accueille la mort, en fait le récit, mais surtout en fait l’inscription et par cette inscription transforme son propre mouvement d’écriture. Comme le disait l’auteur à cette époque : "rappelez-vous qu’il n’y a pas de consolation face à la mort, sinon un sale mot de trois lettres ... art" (Entretiens 21).

On peut avancer que pour Durrell, avec ce cycle de romans construits à partir de cette citation du Satiricon de Pétrone, "Aut tunc aut nunquam," la fin de l’écriture est en marche comme l’affirmait Jabès dans Le livre de l’hospitalité : "La fin de l’écriture n’est pas imputable à une subite défaillance des mots. Peut-être arriverait-on à la déceler à travers ce que l’écriture n’a plus à cœur de dire" (LdH 91).

 

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On pourrait aussi faire l’hypothèse qu’après le hic et nunc du Black Book, et les affirmations de Tunc et Nunquam, qui suivent chronologiquement le magnifique travail sur un nouvel espace temporel situé entre le passé re-composé et futur antérieur du Quartet, l’auteur commence à mettre en œuvre un autre mode verbal qui se révélera précisément comme clausule du tout dernier roman.

Comme l’explique Philippe Hamon dans son article "Clausules" : "Le mot fin signale trois choses  : la terminaison, la finition et la finalité" (P 500), ce qu’on peut vérifier chez Durrell, sauf lorsque, comme dans le Black Book, il indique simultanément la perversion de ce signe. Durrell joue avec ses excipit, de façon très consciente, très ludique, et met en œuvre avec une habile ironie ses intentions téléologiques. Ainsi dans les deux cycles complémentaires que sont The Quartet et The Quintet, un schéma se développe entre les terminaisons des textes de fiction et les différents paratextes. De plus, on trouve de nombreux échos dans la clôture des romans du cycle qui se correspondraient.

On remarque que la plupart des livres des deux suites de romans se terminent par des appendices qui peuvent prendre différentes formes et l’on peut dire que cette forme de clôture des textes est double et fausse puisque le lecteur est entraîné vers le dehors du texte, dans lequel grâce à son travail d’interprétation, il poursuivra un travail d’élaboration par-delà ce qui a été écrit par l’auteur et reviendra au texte pour le poursuivre, le développer et non vraiment y mettre un terme. Seul un volume du Quartet fait exception à cette règle et on ne sera pas surpris que ce soit Mountolive, le volume dit "réaliste" dont la fonction narrative s’oppose à celle des trois autres volumes.

L’étude rapide de la fin de chaque volume du Quartet nous indiquera quelle interprétation donner à la clôture finale de ce cycle, puis nous invitera ensuite à nous s’interroger sur la clôture du cycle suivant en les comparant et en les opposant.

Une ponctuation clausulaire ouverte est une constante du Quartet, alors que, mis à part le tout dernier volume du Quintet, tous les livres de ce cycle se terminent sur un point final, semblant mettre un terme définitif au récit, qui, au contraire, semble rester en suspens d’un volume à l’autre du Quartet.

Dans The Quintet comme dans The Quartet, les lettres en souffrances, qu’elles restent sans réponses ou ne parviennent pas à leur destinataire, sont un élément de clôture spécifique qui indique, au niveau du récit comme au niveau du discours, un suspens dans le temps, mais surtout un mode de déchiffrement du texte.

Ainsi dans Justine, le narrateur décide de ne pas répondre à la lettre qu’il reçoit de Clea et le lecteur peut lire cette question qu’elle lui adresse comme si elle s’adressait directement à lui : "does not everything depend on the interpretation of the silence around us?" (245) Le livre nommé Justine se clôt sur l’absence de celle-ci, tout comme le récit se clôt par une absence de

 

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lettre, une réponse qui reste en souffrance. Le silence autour duquel s’organise le récit est son point temporairement final. Cette écriture de texte qui se termine sur un manque ouvre ainsi une faille. Dans cette faille peut se placer un autre objet à son tour appelé à être remplacé par l’écriture qui ouvrirait une faille. Ce qui se confirme puisque, comme Justine, Balthazar, le second volume, se termine aussi sur une lettre de Clea qui cite une autre lettre la désignant au narrateur principal et au lecteur comme celle qui sait lire entre les lignes "a true reader between the lines" (203) – qui peut précisément se placer dans l’espace laissé libre pour l’interprétation. C’est dans ce même espace que le récit de Balthazar dont le titre, "Interlinear," nomme précisément la fonction, décrit la même histoire que celle narrée dans Justine du point de vue d’un autre personnage et peut trouver sa place, lui aussi, entre les lignes du premier texte. Si le système des renvois s’intensifie il désigne également toujours un lieu ouvert, semblable à un palimpseste, dans lequel non seulement les récits se succèdent et se superposent les uns aux autres, mais dans lequel l’auteur tente de créer un nouvel espace-temps, une autre scène, dans un espace métaphorique qu’il nomme ville, qui est l’espace de l’écriture (C 64-65).

 

Si l’on retrouve des similitudes dans les clôtures des premiers volumes du Quartet et du Quintet aussi bien au niveau de ce qu’elles énoncent, que du mode de lecture qu’elles indiquent, la différence de ponctuation (ouverte dans The Quartet, fermée dans The Quintet) indique une différence que l’on étudiera dans la clôture finale.

On retrouve l’utilisation de la lettre en souffrance dans Monsieur, le premier volume du Quintet. La clôture provisoire qui énonce l’absence se double de l’absence d’une lettre attendue que l’on retrouvera dans Sebastian (l’avant-dernier volume du cycle), également liée à la mort. Le manque d’une lettre équivaudra au manque d’un corps, tué dans une mise en scène gnostique. Mais ici, à la fin du premier volume, la correspondance avec le premier volume du Quartet ne peut échapper au lecteur  ; l’absence et le vide sont déclinés à tous les niveaux du texte :

Talking in a whisper to an empty alcove. For it was some time since the name of duchess had appeared on the death map of the stars .... In it perhaps he might find a letter with an Egyptian postmark; or it might be lying on the table with the other correspondence, in front of Cade who read on and on into the momentous night. (M 295)

Livia rappelle la clôture ritualisée de Clea en reprenant les termes "once upon a time." Mais ici il s’agit, à nouveau, d’une subversion du signe qui annonce la clausule

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finale de l’œuvre.

En effet, si les mêmes mots "once upon a time" sont employés pour clore ces deux différents volumes, le contexte est totalement opposé. En complète opposition au locus amoenus d’Alexandrie, le décor grand-guignolesque illustré par une description oxymorique de la ville d’Avignon, cité de Dieu et cloaque de l’humanité, vient casser l’image idyllique que l’utilisation de la formule ritualisée du conte de fée indiquerait.

Comme dans The Black Book, où l’auteur choisissait de subvertir le mot "Fin," ici c’est la formule ritualisée du conte de fée qu’il subvertit en utilisant un décor d’épouvante pour accompagner la formule consacrée. Constance, qui occupe la même place que Mountolive, dans son cycle, se clôt sur la description de la fin de la deuxième guerre mondiale. Il s’agit de la fin d’une époque à entendre sur tous les registres. Le mot "ended" qui clôt le récit, est redondant par rapport à la fin du discours, tandis que la clôture de Sebastian (l’antépénultième livre du Quintet) prépare le lecteur à une fin ouverte pour le volume final en présentant la double image optimiste d’un enfant autiste qui découvre la parole et le mouvement illustré au niveau spatial par l’image d’un train qui continue sa course en semblant s’envoler. Un beau chassé-croisé de sens se fait entre l’enfant et la machine qui l’emporte. Néanmoins des aphorismes d’un goût douteux se glissent à cet endroit du texte, qui nous incitent à nous méfier des fins de textes qui présenteraient un locus amoenus comme espace clausulaire comme dans le dernier volume du Quartet.

En effet, le dernier volume du Quartet se clôt sur l’image de deux artistes, une femme peintre et un homme écrivain qui s’en vont cheminer ensemble dans la vie et dans leur art. L’homme décrit son livre terminé comme un enfant à terme dont il accouche telle une femme. Il annonce et énonce une fin de livre et une séparation heureuse d’avec l’œuvre d’art. Sa compagne, quant à elle, a survécu à un accident sous la mer qui a failli lui coûter la vie et dont elle n’échappe que grâce au geste de son compagnon qui lui tranche la main. C’est précisément cette mutilation de sa main de peintre qui, paradoxalement, lui permet de découvrir véritablement son art. Ainsi s’énonce, à deux niveaux, comme dans les contes de fée qui commencent avec les mots clausulaires de ce texte "once upon a time," que les aimés ont eu un bel enfant, ce livre que nous avons entre les mains. Le nouveau tour de passe-passe littéraire de l’auteur est de nous laisser croire ici que l’ouvrage du narrateur et le sien ne font qu’un. En employant ces mots, "once upon a time," le narrateur affirme l’universalité de son œuvre. Nous verrons que le jeu est tout autre dans le dernier volume du Quintet.

 

Il nous faut maintenant revenir rapidement sur l’emploi du paratexte dans les deux cycles de romans. On regrettera que l’éditeur français ait classé comme appendices toutes

 

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les différentes formes de textes terminaux classés sous les rubriques suivantes en anglais "workpoints," "notes in the text" ou "some notes for Clea by Pursewarden," "Scobie’s common usage," "consequential data." En effet ces paratextes ne remplissent pas tous la même fonction. Certains sont de la plume de l’auteur et doivent soit éclairer le lecteur en lui fournissant des explications absentes du corps du texte, soit au contraire lui présenter des éléments complémentaires qui ouvriraient de nouvelles possibilités d’interprétation, après la fin du récit, indiquant ainsi au lecteur son rôle actif dans la création littéraire. Dans The Quartet, on remarquera également le statut des poèmes de Cavafy que l’auteur propose dans sa propre traduction, dans un mouvement de double appropriation du poète et de l’hellénité alexandrine. Enfin, comble de l’ironie, l’auteur choisit de placer en note de fin d’ouvrage des annotations d’un personnage fictif sur un autre personnage de la fiction, mêlant ainsi tous les registres et les différents niveaux du récit et de son texte.

Dans The Quintet, seuls trois récits sont suivis d’un paratexte, le premier appelé "envoi" donne le mode de lecture de l’œuvre en énumérant l’engendrement des personnages-narrateurs des différents niveaux de fiction. L’appendice de Livia oppose à un menu très réaliste inspiré d’une auberge de Sommières, une énumération de douze commandements parodiques en français dans l’œuvre originale. Ces deux appendices très différents sont séparés par une courte note de l’auteur demandant à bénéficier de l’indulgence du lecteur quant à la "licence poétique" qu’il s’accorde pour traiter de l’Histoire, ici la deuxième guerre mondiale, comme si l’auteur voulait par avance introduire le problème idéologique du statut de l’appendice de Constance, le troisième volume.

Durrell souhaitait imprimer le Protocole des sages de Sion, dont on connaît la sinistre origine, à la fin de son ouvrage. Il en fut dissuadé mais laissa néanmoins figurer dans son livre Le testament de Pierre le Grand qui présente une terrifiante image du panslavisme. Ces deux textes très réels sont des documents qu’un des personnages de fiction du roman, qui se déroule en France pendant la deuxième guerre mondiale, reçoit de son supérieur hiérarchique, le très réel Goebels qui apparaît dans le texte (C 42, 182). Earl Ingersoll remarque que tout ce cycle de romans est un vaste réseau de textes qui s’engendrent les uns les autres, se mettent en question et en abyme : "by also using his texts to interpenetrate the texts of the writers/characters that he creates, Durrell foregrounds intertextuality so that in the end the textual is the real and the real may be only the textual" (DL 119). En effet, si les effets de reflets, d’emboîtements et de mise en abyme sont encore plus nombreux que dans les textes précédents, on peut s’inquiéter néanmoins de cet usage du paratexte qui joue avec l’Histoire et pose le problème d’une hypertextualité qui pourrait ici avoir été poussée à l’extrême, et dépasserait l’intention d’écriture de l’auteur, comme je tente de le démontrer dans mon article "La représentation du nazisme et de la deuxième guerre mondiale dans The Avignon Quintet."

 

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Il est possible qu’arrivé au terme de son œuvre, l’auteur se soit senti non seulement acculé à fournir des clés de lectures si habilement dissimulées pendant une quarantaine d’années mais aussi peut-être qu’il ait poussé jusqu’à sa limite le jeu du réel et du textuel.

Le problème du tout dernier cycle de romans est que l’auteur a saturé l’espace de son texte d’indices de lecture et de déchiffrement afin que sa vision cosmogonique ébauchée dès les années trente et dont il se plaisait à faire glisser des éléments d’un cycle de romans à l’autre n’échappe pas à ses lecteurs.

On notera que la terminaison de l’œuvre romanesque qui est aussi la clôture du Avignon Quintet et donc de son dernier volume Quinx, décrit un espace clos, une grotte que l’on pourrait comparer et opposer structurellement à la ville du Quartet. Tous les personnages de la fiction, si divers soient-ils, et pour des raisons différentes, cherchent à atteindre cette grotte, pensant y découvrir l’objet de leur quête. La référence à la grotte de Platon est bien sûr omniprésente dans le texte. Comme dans The Quartet, le texte annonce un destin heureux pour le couple amoureux de la fiction. Pour la première fois dans l’œuvre de Durrell, on trouve non seulement la représentation d’un enfant mâle vivant mais également celle d’une grossesse réelle (et non plus d’une grossesse d’écriture, comme dans le Quartet) dont le narrateur-écrivain est responsable. Ainsi pour la première fois, dans la dernière œuvre de fiction de Lawrence Durrell, se lit la représentation de la création et de la procréation.

Une œuvre littéraire va voir le jour dont le narrateur écrivain dit qu’elle sera "as much her work, her responsability as his" (Q 198), comme l’enfant que l’homme écrivain et la femme psychanalyste ont également conçu ensemble. On voit se dessiner un parallèle avec la fin du Quartet, mais aussi une différence essentielle au niveau de la représentation des sexes dans les processus de création et de procréation.

On ajoutera que, pour la première fois depuis The Black Book, il est à nouveau question du sous-continent indien. L’auteur ne parle plus du lieu héraldique que représentait l’Himalaya pour lui. Il peut enfin nommer l’Inde, le lieu d’origine de l’écriture, l’un de deux abîmes évoqués par Jabès. L’écriture de la fin dévoile enfin son origine.

La clôture du texte semble ainsi correspondre à la fin du parcours des personnages et en particulier des artistes, dans le dernier chapitre intitulé "minisatiricon" qui semble relier toutes les tresses ébauchées au long des cinq volumes pour préparer un final à ce cycle qui serait un final à l’œuvre. Tous les éléments du locus amoenus sont réunis dans un dernier instant de suspens. Le lecteur pense qu’il va découvrir avec les personnages la réponse à l’énigme des quinconces, et que le dévoilement de l’objet de sa quête aura lieu dans la grotte où tous les personnages sont réunis ; quête matérielle ou mystique pour les personnages, quête du sens du texte pour le lecteur. Cette grotte, lieu de rassemblement des hommes,

 

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espace de la dissémination du sens, devrait être le lieu d’une révélation finale.

Et d’une certaine façon c’est bien ce qui se révèle dans la clausule : "The lovers gave a shiver of premonition and Blanford thought that if ever he wrote the scene he would write: It was at this precise moment that reality prime rushed to the aid of fiction and the totally unpredictable began to take place!" (201)

Le reste de la page demeure blanc. Le texte s’achève sur cette ouverture. La clausule est tout à la fois trompeuse et remarquablement redondante par rapport au récit qui présente une réalité toujours remise en question. Le point final est un point d’exclamation qui suit les guillemets encadrant le texte d’un écrivain de fiction dans le récit. Clôture ouverte s’il en est, laissant le lecteur non seulement face à un blanc typographique mais aussi face à un blanc dans le déroulement du récit.

Cette clausule trompeuse est à lire comme la signature d’une œuvre ouverte mais aussi comme une clôture parfaite du discours de l’auteur tel qu’on le trouve dans le paragraphe final de Justine : "does not everything depend on the interpretation of the silence around us?" (245)

Spécularité du récit, mise en abyme, auto-ironie, jeu entre l’illusion produite et la dénonciation de cette illusion  : tous les éléments du jeu de l’écriture sont là.

L’excipit de Durrell illustre son approche orientale du monde annoncée et décrite dans le récit  : le texte n’était que le lieu d’une illusion de cosmogonie bien établie, une fiction de réalité qui ouvre les possibilité d’une interprétation infinie. La subversion par l’humour est illustrée ici, et rappelle à un autre niveau la subversion des conventions littéraires observées auparavant. L’auteur a choisi la distance de l’ironiste et un certain détachement oriental.

Pour la communauté des lecteurs comme pour la communauté des personnages, au lieu du rassemblement imaginaire à l’intérieur du texte s’ouvre une grotte à l’intérieure de laquelle la vision de l’auteur s’imprime au mode conditionnel dans la catégorie austinienne du performatif. "Dire la fin et la réaliser ne font qu’un," comme le dit Kristeva dans "le texte clos" (S 67), puisque l’auteur illustre le déni de toute idée de finitude, et une certaine définition orientale du temps qui passe.

 

On ne peut terminer cette ébauche sur la clôture chez Durrell sans mentionner son ultime volume Caesar’s Vast Ghost dont le titre nous indique déjà quels rivages nous allons aborder mais aussi la fonction de ce dernier écrit, dont l’existence même indique l’échec de la clôture de la fiction. Tout n’a pas été dit, il faut encore écrire. La clausule choisie dans le dernier roman a échoué dans sa fonction de clôture, Durrell a ressenti la nécessité de clore son œuvre par un adieu formalisé.

Tout comme Jabès qui clôt son Livre des Limites par un dernier chapitre intitulé "un espace pour l’adieu" et un dernier poème intitulé "adieu," Durrell choisit "goodbye" comme

 

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dernier mot de son dernier poème "Le cercle refermé." "Goodbye" à ses lecteurs, à son œuvre et à l’écriture. Mais alors que Jabès opère son retrait dans le même mouvement d’écriture qui traverse toute son œuvre, il n’en va pas de même pour Durrell.

Caesar’s Vast Ghost est un hommage à la Provence (au sens anglo-saxon du terme), qui explicite le rôle de creuset culturel de la région et l’affection que l’auteur en exil voue à sa terre d’adoption. C’est un effort désespéré pour expliciter, mettre à plat toutes les convictions philosophiques semées à travers cinquante ans d’écriture, teinté d’auto-dérision qui finit par appauvrir l’œuvre, malgré quelque poèmes magnifiques empreints d’une nostalgie désespérée. Aux tous premiers mots du premier roman autobiographique, publié en 1935, "The child was born," répond le tout dernier "Goodbye" de1990.

Boucle du texte qui ne fait que désigner la perte , énoncer la brisure.

Dans sa communication intitulée "le dernier style de Golding" en 1991, Frédéric Regard se demandait à propos de la dernière trilogie de cet auteur si "le Golding que l’on a connu autrefois est mort. Le tout étant de savoir si nous assistons au tarissement d’une source (l’épuisement d’une "inspiration") ou si, au contraire, nous sommes ici les spectateurs d’une arrivée, les témoins d’une sorte d’aboutissement logique d’une certaine pratique de l’écriture." La question pourrait s’énoncer ainsi pour le dernier style de Durrell.

Malgré l’échec de ce livre, c’est une illustration magistrale d’un effort de clôture aussi bien au niveau du contenu du texte qu’au niveau de l’objet-livre. Encadré par un extrait de lettre de Vincent Van Gogh qui décrit l’esprit du midi à son frère Théo en français à l’ouverture du livre, en traduction anglaise à la fin, chaque citation est suivie de la reproduction de l’avers et de l’envers de la même pièce de monnaie romaine en bronze. Ce texte ultime qui évoque la mort à chaque page se clôt sur un dernier poème qui retrace l’itinéraire de l’auteur  : il évoque l’Inde de l’enfance, dans une image métaphorique de la mort, et annonce l’ultime départ liant ainsi les deux abîmes du livre et de l’œuvre peut-être, son origine et son terme.

 

Pourtant suffirait-il d’inscrire le mot fin ou de prononcer son adieu pour en être quitte avec l’écriture ? Le seuil angoissant de la terminaison du livre serait-il si simple à franchir ? Malgré la présence de la mort à chaque page, et l’ultime mot d’adieu, le dernier livre de l’auteur affirme l’impossibilité de la clôture, ce que confirmait son fol espoir de peut-être encore à nouveau écrire le roman qui bouleverserait la littérature, comme il me le confiait deux ans avant sa mort...

Le "goodbye" qui clôt le dernier texte publié, mot d’auto-désignation de la fin, n’indique que l’espace où advient le temps de se taire, de passer de la parole au silence, de

 

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la présence à l’absence définitive, de s’effacer en abandonnant le texte comme trace.

L’œuvre romanesque de Durrell indiquait l’inépuisable du texte, son dernier livre en est la triste dénégation, comme si l’auteur avait échoué à maintenir le mouvement de l’écriture. On comprendra que le désir d’écrire et le désir sont en question, et que l’angoisse semble avoir saturé tout espace de désir. On perçoit le problème de séparation de l’artiste d’avec son œuvre et d’avec la vie et on repensera à ce commentaire de Durrell, "Pure gold," qu’il avait inscrit de sa main dans la marge de l’exemplaire du livre d’Otto Rank, Art and Artist que lui offrit Anaïs Nin à son arrivée à Paris en 1937. Otto Rank comparait la séparation de l’auteur et de son œuvre au sevrage de l’enfant puis à la douleur de la séparation que peut ressentir une mère. Plus loin, dans le texte de Rank on peut lire :

the general problem of the artist: is deprivation and renunciation.... the psychological point of view as it culminates in psychoanalysis emphasizes only deprivation, for which artists seem to suffer most in themselves; the philosophical view, to which a few artists like Goethe or Ibsen attained at the heights of their achievement emphasises renunciation. But the two aspects are complementary.... the great artist and work of art are only born from the reconciliation of the two: a victory of a philosophy of renunciation over an ideology of depreciation. (416)

Caesar’s Vast Ghost, le dernier texte de Durrell, cet adieu qui ne sait pas finir malgré les signes de clôture, cette "fin de partie" qu’il met en scène dans tous les registres du lieu de théâtralité que l’espace-livre lui offre, illustre la difficulté pour l’artiste d’abandonner l’écriture et de se séparer du texte qu’il a engendré. Comme l’explique Derrida dans "la pharmacie de Platon," Thot n’est pas seulement le dieu de l’écriture qui guérit les mutilations et les blessures, il met aussi fin à la vie.

Entre les deux abîmes du livre, l’écriture a tenté de faire pont, dans "un récit écartelé entre l’excès et la perte" comme le disait Christine Reynier à propos de Virginia Woolf. La dépossession de l’origine, la nostalgie d’un état perdu ont étayé le texte de livre en livre, en cinquante années d’écriture.

S’il s’agit, comme l’explique Dominique Rabaté : "de lire que la finalité de l’écriture n’est peut-être pas le projet de ressusciter dans un mouvement de création et de re-création, le réel mais bien plutôt de s’en débarrasser, de l’épuiser" (133), alors peut-être Lawrence Durrell est-il resté en deçà de son projet.

Mais peut-on par l’écriture mener à terme tout projet et atteindre l’épuisement de tout "réel" ? Dans son livre L’écriture ou la vie, Semprun semble nous indiquer la question de l’enjeu de l’écriture, qui ne se pose pas seulement à celui qui veut porter témoignage mais

 

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aussi à l’auteur de textes de fiction.

Il se pourrait que l’outil de la fiction se prête mieux à cet épuisement car l’auteur de fiction peut d’une part user de l’espace infini de l’imagination et mettre un point final à son récit selon les conventions du genre dont la clôture fait partie alors que le témoignage non fictionnel semblerait par essence devoir rester toujours in-terminable.

 

Épuisement impossible, pour Primo Levi qui se jeta dans la cage d’escalier de la maison où il avait toujours vécu et trouva la mort un an après la publication de son dernier essai qui porte en exergue les lignes de Coleridge que je vous ai lues en introduction. Épuisement impossible pour Paul Celan qui mit un point final à sa vie en se jetant dans la Seine, pour Joseph Roth, pour Stefan Zweig dont le dernier roman décrit un suicide à venir, pour Bettelheim, Jean Améry et bien d’autres.

Forclusion impossible ?

La seule inscription encore possible, là où la transmission par l’écriture semble ne pas pouvoir suffire, là où le frayage de la trace semble ne pas s’être inscrit dans le texte, semblerait l’inscription du sujet-écrivant dans la mort, comme ultime trace scripturale.

Ces quelques notes incomplètes me serviront de conclusion provisoire pour annoncer un travail ultérieur sur la clôture et le suicide de ceux qui semblent avoir connu l’expérience de l’irreprésentable, l’échec de la cristallisation du langage qui demeure alors éclats fragmentés, l’impossibilité d’exprimer l’indicible, l’échec ultime de l’écriture, qu’illustrent ces quelques lignes de L’écriture du désastre : "si le livre pouvait pour la première fois vraiment débuter, il aurait pour une dernière fois depuis longtemps pris fin" (62).

 

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Bibliographie

Livres de Lawrence Durrell cités dans le texte :

Durrell, Lawrence, Pied Piper of Lovers, London: Cassell, 1935.
                        The Black Book, Paris: The Obelisk Press, 1938.
                        The Alexandria Quartet :
                                               Justine, London: Faber & Faber, 1957.
                                               Balthazar, Faber & Faber, 1958. 
                                               Mountolive, Faber & Faber, 1958.
                                               Clea, Faber & Faber, 1960.
                        The Revolt of Aphrodite :
                                   Tunc, Faber & Faber, 1968.
                                   Nunquam, Faber &Faber, 1970.
                        The Avignon Quintet :
                                   Monsieur, Faber & Faber,1974.
                                   Livia, Faber & Faber, 1978.
                                   Constance, Faber & Faber, 1982.
                                   Sebastian, Faber & Faber, 1983.
                                   Quinx, Faber & Faber, 1985.
                        Caesar’s Vast Ghost, Faber & Faber,1990.

Autres références :

Barthes, Roland, "Introduction à l’analyse structurale des récits," Communications 8, 1966.

Blanchot, Maurice, Le livre à venir, Paris: Gallimard, coll. Idées, 1959.
                        L’écriture du désastre, Paris: Gallimard, 1980.

Celan, Paul, La rose de personne, édition bilingue, trad. Martine Broda, Paris: Le Nouveau Commerce, 1979.

Derrida, Jacques, La dissémination, Paris: Seuil, 1972.

Eco, Umberto, L’œuvre ouverte, Paris: Seuil, 1965.
                                   Les limites de l’interprétation, Paris: Grasset, 1985.

Ertel, Rachel, Dans la langue de personne, Paris: Seuil, 1993.

Genette, Gérard, Palimpsestes, Paris: Seuil, 1982.

Hamon, Philippe, "Clausules," Poétique 24, 1975, p. 495-526.

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Ingersoll, Earl, "Mise en Abyme in The Avignon Quintet," Deus Loci, 1994, p. 113-119.

Larroux, Guy, Le Mot de la fin, Paris: Nathan, 1995.

JabÈs, Edmond,Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format, Paris: Gallimard, 1989.
                        Le livre de l’hospitalité, Paris: Gallimard, 1991.

Kristeva, Julia, Sémiotiké : recherche pour une sémanalyse, Paris: Seuil, coll. Points, 1978.

Levi, Primo, Les naufragés et les rescapés, trad. de l’italien par André Maugé, Paris: Gallimard, 1989.

Magny, Claude-Edmonde, Lettre sur le pouvoir d’écrire, Paris: Climats, 1993.

Rabaté, Dominique, Vers une littérature de l’épuisement, Paris: José Corti, 1991.

Semprun, Jorge, L’écriture ou la vie, Paris: Gallimard, 1994.

Zweig, Stefan, Ivresse de la métamorphose, trad. de l’allemand par Robert Dumont, Paris: Livre de poche, Belfond, 1984.

    (réf. Etudes Britanniques Contemporaines n° 10. Montpellier : Presses universitaires de Montpellier, 1996)