(réf.  Etudes Britanniques Contemporaines n° 0. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1992)

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Figures du silence au féminin

Marie-Claire Jarnet-Pestourie

Pour tenter de résoudre le paradoxe du titre de cette communication destinée à un colloque qui se propose d'aborder la question des "voix nouvelles" de la littérature, qu'il nous suffise de rappeler un mot de Maurice Blanchot: "le silence n'est [...] qu'une manière de dire (1)." Sans compter Rabelais ou Sterne, parmi d'autres, toute la modernité (de Mallarmé à Joyce (2) et de Beckett à Camus, sans oublier Marguerite Duras et l'ensemble du Nouveau Roman) a pensé et écrit le silence. Notre étude, qui n'espère ici rien résoudre de cette question, se propose simplement de faire une lecture de quelques textes écrits par des romancières anglaises contemporaines.

La critique reconnaît volontiers que le silence est un élément central dans la culture féminine. Tillie Olsen et Adrienne Rich y consacrent par ailleurs des ouvrages entiers. Sans dogmatisme, et sans affirmer de manière péremptoire que "le silence, c'est les femmes (3)," il nous importera de dire quelque chose dans ce "langage silencieux, entente sans mots, expression dans le secret" dont parle Lévinas à propos de l'Autre (Femme), ou des "figures du féminin," selon la lecture de Catherine Charlier (Figures du féminin, 64). A l'évidence, il ne suffit pas de poser que la féminité est du côté de la demeure et de l'intérieur. La "merveille du Dire sans Dit" (Charlier 67), le corps même du silence se donnent à lire dans des textes aussi divers que les poèmes d'A.S. Byatt forgés à la manière d'E. Dickinson, la prose poétique de Is Beauty Good de Rosalind Belben, ou le ciel de Sexing the Cherry, de Jeanette Winterson.

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1. Blanchot, Maurice. L'entretien infini. Paris : Gallimard, 1969. 44.
2. A ce sujet, voir la très précieuse analyse de Rabaté, Jean-Michel. Joyce : Portrait de l'auteur en autre lecteur. Paris : Cistre, 1984. 23-42.
3. Duras, Marguerite. La vie matérielle. Paris : P.O.L., 1987. 104.

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Au-delà de la simple subjectivité, le silence au féminin gît par ailleurs en "ce pouvoir de représenter par l'absence et de manifester par l'éloignement qui est au centre de l'art, pouvoir qui semble écarter les choses pour les dire, les maintenir à l'écart pour qu'elles s'éclairent (4)." Le silence comme absence nous semble être un des leitmotive majeurs du texte (tissu lacunaire) féminin. Nous prendrons pour exemple The Beginning of Spring, de P. Fitzgerald.

Enfin, les figures (ou représentations) de cet irreprésentable qu'est le silence peuvent s'incarner dans un personnage. Ainsi, sous la plume d'Angela Carter, "Black Venus" - ou Jeanne Duval, maîtresse de Beaudelaire - (Black Venus 9-24) peut se lire comme une métaphore de page noire, véritable "figure de silence," "l'équivoque même (5)" et, aux antipodes de toute écriture nihiliste, elle atteint une plénitude de sens par l'incomplétude de sa forme. Le lecteur, inscrit en creux dans la configuration du texte, est invité au "travail" du livre.

En premier lieu, la bouteille (celle de la Sibylle de Cumes) (6), l'oeuf, la tour ou la maison métaphorisent le sujet dans son isolement silencieux. Plusieurs poèmes d'A.S. Byatt illustrent bien cette dialectique du dedans (féminin) et du dehors (masculin). L'auteur produit un pastiche de poésie victorienne, et reproduit par là même, non sans ironie, un des topoi de la culture patriarcale: le féminin s'y présente comme "point cardinal de l'intériorité" et "rapporte [...] la dispersion du masculin et de ses oeuvres à l'unité d'une silencieuse vie intérieure" (Charlier 74). En la tour calme et close règne Dahud (7) avec son amant, tandis que l'Océan-mâle les assaille de son bruit et de sa fureur :

High howled the wind, the Ocean hurled
His mass of crested jet uncurled
Against the sea-wall and the tower
Where Dahud and her paramour
In shuttered silence, silky white
Lay side by side the live-long night.

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4. Blanchot, Maurice. Le livre à venir. Paris: Gallimard, 1959. 79.
5. Irigaray, Luce. Spectrum : de l'autre femme. Paris : Minuit, 1974.
6. Voir poème p. 54: "The Sibyl was safe in her jar, no one could touch her" [...]; "like Emily Dickinson's voluntary confinements, like the Sibyl's jar."
7. Sorcière, fille de Gradlong, dans la mythologie bretonne.

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The people ran about the street
Their fearful voice, their wet hands beat
Against the opposing stealy door
All smoothly silent, as before.
(Possession 330)

La fureur triomphe, et The City of Is devient ville noyée ("The Drowned City" 133-134). Cet univers sous-marin est cité des femmes, principe féminin devenu réalité.

Les murs y revêtent la transparence du verre, la finesse de la toile d'araignée. Au travers de cette pellicule diaphane, c'est l'intérieur même du corps de la femme, le flux et le reflux de son sang, que le regard masculin découvre, dans le vertige :

And damned and drowned transparent things
Hold silent commerce...
This drowned world lies beneath a skin
Of moving water, as within
The glassy surface of their frown
The ladies' grieving passions drown
And can be seen to ebb and flow...
(Possession 135)

L'élément liquide est donc silencieux, contrairement à l'Océan vif. L'eau de la cité "vit comme un grand silence matérialisé" Le sang, le lait, la neige sont autant d'eaux tristes et tranquilles dans la poétique de Christabel La Motte selon Byatt (8).

Avec Rosalind Belben, l'eau agit et fait silence, elle noie le bruit :

How strange, all one's life, to listen to the waterfall, when other folk live where no water falls and have less silence [...]. It has to be drowned, life, it makes such a clatter.

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8. Nous ne commentons pas les poèmes signés Randolph Henry Ash, puisqu'ils ne servent pas notre propos, mais ils ne sont en rien contradictoires avec notre thèse.

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Dès le titre, ce texte en appelle au silence, dans le suspens de la question: Is Beauty Good. L'être porté au premier rang de la phrase ("Is," syllabe inaccentuée du premier ïambe) abandonne "sa part bruyante d'affirmation, sa part tranchante de négation (9)." La voix se tait dans l'effacement du point d'interrogation, et tout le texte s'ouvre par un mouvement sans bruit. Effet saisissant, oppressant, que celui de la question qui nous "étreint à l'orée du livre" (El 117-118), mais le texte de Belben joue avec d'autres figures - nous y reviendrons.

La voix est "fugitive, promise à l'oubli" [...], disparue à peine dite, toujours déjà destinée au silence (10)." Cette disparition de la phonè dans sa chair transcendantale est mise en scène sur le mode comique par Jeanette Winterson : les voix des hommes et de femmes de l'univers entier s'évaporent et prennent la voie du ciel pour y former des nuages qui devront être balayés, nettoyés par des puristes bien intentionnés, afin de laisser briller le soleil :

The people who throng the streets shout at each other, their voices rising from the mass of heads and floating upwards towards the church spires [...]. Their words, rising up, form a thick cloud over the city, which every so often must be thoroughly cleansed of too much language. (Sexing the Cherry 17)

Mais les mots résistent. Leur trace ne s'élimine pas d'un trait. Parfois même ils mordent, et participent à une véritable guerre des sexes. L'espace de cette scène épique rappelle ironiquement les querelles divines autour du père des Muses, Zeus "omphaios," maître des voix, et, selon l'épithète homérique, "assembleur de nuages." Les mots peuvent s'effacer, mais le silence n'est jamais absolu même dans l'absence, pas plus dans le ciel de Sexing the Cherry que dans n'importe quel autre (con)texte.

A propos de silence et d'absence, il me semble important d'évoquer un roman de P. Fitzgerald, The Beginning of Spring, afin de tenter de rendre compte de son inquiétante étrangeté. Dès la première page, la voix narrative nous informe qu'un jour de mars 1913, Nellie, épouse de Franck Reid, a quitté son domicile moscovite avec ses trois enfants pour Londres. Les chapitres suivants forment une analepse, mais n'apportent aucune information véritable sur ces aspect de la diégèse. Les enfants reviennent, restent silencieux sur les dernières paroles de leur mère avant qu'elle ne les abandonne au chef de gare. La vie

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9. Blanchot, Maurice. L'entretien infini. 16.
10. ibid. 387.

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continue, lentement, dans le silence neigeux de la fin de l'hiver. Riche en détails, le récit semble évoquer une vie entière, il ne couvre pourtant que quelques semaines. Il faut attendre la dernière ligne du texte pour que Nellie revienne, silencieuse dans le fracas du renouveau printanier. Notre postulat sera que le texte n'est ici qu'un supplément au texte. On pense naturellement à cette "absence de livre dissimulés dans un livre" dont parle M. Blanchot (11).

Le silence qui se fait autour de ce personnage féminin et son départ étrange pourra évidemment trouver une explication psychanalytique, à plus forte raison lorsque la main de l'auteur est main de femme. Le non-dit, l'absence, recoupent le manque qui caractérise le féminin symbole de castration originelle par opposition à la présence phallique.

Le texte s'amplifie d'une pléthore de paroles et de gestes familiers, comme par une lutte contre le silence, où "l'Art excède." Comme si la voix narrative, par le biais de la focalisation interne sur le mari, feignait de partager ses ignorances et refoulait son savoir des motifs possibles du départ. Le récit de serait ainsi qu'atermoiements, comme si cette épaisseur de silence qui traverse le texte ne pouvait s'expliquer que par "une exigence de différer [...], comme si cela ne disait qu'en différant de dire.(12) Le début du printemps, c'est donc la différance du retour. L'histoire de Nellie fait figure d'ellipse. Sa vie est autre que ce qui est écrit. Cet "autre que" (dont parle Breton à propos de Nadja) définit bien le texte comme affirmation de la négation du féminin et de ses raisons, parole qui fait silence sur l'absence.

En outre, le tour elliptique de cette écriture nous apparaît comme symptôme de souffrance: la prolifération du texte répondrait ainsi à un refus d'entendre résonner (raisonner?) le vide. Le début du printemps s'achève lorsque Nellie, de retour, franchit le seuil de sa maison. Cette traversée marque le déchirement, dans l'entre-deux de l'écriture (en noir) et de la marge (en blanc). C'est le lieu même de la douleur, dont Heidegger précise qu'[elle]" est le seuil (13)."

La rentrée du personnage coïncide exactement avec notre propre sortie dans le silence du texte. Le lecteur, qui reste sur sa fin, est donc invité à se remettre à l'oeuvre, à produire le livre, celui de l'histoire de Nellie. L'ellipse (quasi) totale où se trouve le féminin constitue le début du printemps en oeuvre ouverte. Il en va de même pour la nouvelle d'Angela Carter,

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11. Blanchot, Maurice. L'entretien infini. 615.
12. ibid. 414.
13. Heidegger, Martin. L'acheminement vers la parole. Paris : Gallimard, 1976. 30.

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illustration d'un présence sans présence, dont nous nous proposons d'effectuer maintenant une lecture.

La "Vénus noire" nous paraît tout particulièrement emblématique de l'ineffable silence. D'abord par le relais de la voix narrative tantôt omnisciente, tantôt en focalisation interne. Les allitérations sifflantes du début de la nouvelle évoquent les soupirs du l'héroïne. Le silence du moi féminin prend ici forme de sodomisation :

Sad; so sad, those smoky-mauve evenings of late Autumn, sad enough to pierce the heart [...]. Although she does not know the meaning of the word, 'regret', the woman sighs, without any precise reason [...], she sighs. (Black Venus 9)

Le spleen, mais aussi la rage transparaissent également dans sa toux irritée, ses grommellements, sa mélodie créole fredonnée à mi-voix. Exilée à Paris, Jeanne Duval est restée "l'étrangère parfaite" :

It was as though her tongue had been cut out and another one sewn in that did not fit well. (Black Venus 18)

Tels deux albatros, malheureux maladroits hors de leur élément favori, ils vivent à l'écart du monde dans le silence de leur chambre sombre, en totale aphasie: leur dialogue décharné n'est point propice à l'entente. La poésie baudelairienne se transforme en reflet ironique et décadent du logos, parole du père ("Daddy"). Cette fois dominatrice la rend muette :

[...] you could say, not so much that Jeanne did not understand the lapidary, troubled serenity of her lover's poetry but, that it was a perpetual affront to her. He recited it to her by the hour, and she ached, chafed under it because his eloquence denied her language. It made her dumb, a dumbness all the more profound because it manifested itself in a harsh clatter of ungrammatical recriminations." (Black Venus 18)

Elle fait donc entendre son silence dans et par le bruit de sa voix.

Elle porte bien son nom, Duval : il faut bien la béance d'un creux, d'un autre, pour que l'écho, parole narcissique du poète, puisse retentir. Elle est le lieu où sa voix (à lui) résonne, réceptacle passif et muet de la production du poète.

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Prostituée ou femme entretenue, Jeanne Duval est pourtant restée vierge des expériences de sa vie. Impure, elle ne saurait être une page blanche, mais plutôt une page noire, celle de toutes les virtualités :

The custard-apple of her stinking Eden she, this forlorn Eve, bit - and was all at once transported here, as in a dream; and yet she is a tabula rasa, still. She never experienced her experience as experience, life never added to the sum of her knowledge; rather, substracted from it. If you start out with nothing, they'll take even that away from you, the Good Book says so. (Black Venus 9)

La Vénus noire n'est donc pas rien. Elle est moins que rien. Elle n'est que potentialité, signifiant sans signifié :

She was like a piano in a country where everyone has had their hands cut off.
(Black Venus 9)

Le poète la noircit de son ombre et de son encre. Il l'écrit avec ses mots, mais aussi avec ses gestes de chorégraphe; il lui dicte son propre vocabulaire dans ce langage non-verbal qu'est la danse :

The dance, which he wanted her to perform so much and had especially devised for her, consisted of voluptuous poses, one following the other; [...] he preferred her to undulate rhythmically rather than jump about [...]. He liked her to put on all her bangles and beads. (Black Venus 11)

A travers lui, son corps, sa chair à elle se fait verbe. Elle se trouve dans cet "état de séduction passive qui [la] fait adhérer à ce qu'[elle] danse, qui [l']aliène, qui [la] lie, qui [l']attache." Je cite les propos de Karine Saporta (14), qui par ailleurs souligne que la danse, à cause de cette "séductibilité, de cette capacité d'abandon [...] a toujours entretenu [une] relationprivilégié avec le féminin" (Saporta 135).

Par cette danse, la Vénus noire parle sans dire. Sa parole non-parlante raconte son histoire à

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14. Voir l'article de Monqiue Surel-Tupin, "Chorégraphes, Féminin pluriel." Lyrisme et féminité. Actes du colloque international. Presses Universitaires de Bordeaux, janvier 1990. 123-135.

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lui : "his-story, not her-story." Telle est la portée du texte. On sait d'ailleurs qu'Angela Carter est une féministe militante.

Notre hypothèse sera que la voix du narrateur, puis celle de l'auteur, enfin la place du lecteur inscrite implicitement dans le texte - "See her, now, in her declining years [...] (Black Venus 23) - forment un commentaire à emboîtement pyramidal sur l'abîme de l'oubli toujours silencieux. L'écriture renvoie ici au pharmakon dont parle Derrida dans sa lecture de Platon (15). Le Pharmakon est "bon pour l'hypomnesis (remémoration, récollection, consignation) et non pour la mnème (mémoire vivante et connaissante) (16)." Notre parole de commentaire n'érige qu'une illusion.

Sous prétexte des suppléer la mémoire [en l'occurrence de faire connaître Jeanne Duval, maîtresse de Charles Beaudelaire]n l'écriture rend encore plus oublieux, [...] ce qui est censé produire le positif et annuler le négatif ne fait que déplacer et à la fois multiplier les effets du négatif, conduisant à la prolifération du manque qui fut sa cause (17).

La Vénus noire est placée sous le signe de l'oubli :

She held her bewildered head with its enormous, unravelling cape of hair as proudly as if she were carrying upon it an enormous pot full of all the waters of the Lethe.

Or il faut convenir qu'on ne doit pas séparer mémoire et vérité (18). La puissance de l'oubli (Lèthè) va à l'encontre de cette vérité (aletheia ou a-letheia) et "[accroît] simultanément les domaines de la mort, de la non-vérité, du non-savoir" L'écriture se joue ici dans le simulacre: certes, dans sa visée biographique, le texte se propose de retrouver l'histoire de cette femme, et, à partir des traces qui restent de sa vie, de dire la vérité sur elle - "à supposer que la vérité soit femme" selon le premier postulat de Par delà le bien et le mal. Mais cette entreprise de l'auteur de Black Venus n'est malgré tout qu'un leurre: "le leurre du dévoilement de l'oubli, comme une affirmation de la possibilité de revoir l'oublié(e) dans une économie de la représentation qui [la] prescrit comme tel[le] (19)."

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15. Derrida, Jacques. La dissémination. Paris : Seuil, 1972. 103.
16. Derrida 103.
17. Derrida 113.
18. Derrida 120.
19. Irigaray, Luce. Speculum: de l'autre femme. Paris : Minuit, 1974. 332.

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Nous mettre sur le voie de la "réalité" de Jeanne Duval en levant le voile sur elle (par le simple jeu de la lecture de la lettre "L") : tel est le jeu de ce texte de fiction. La Vénus noire est donc vouée au silence, par et malgré l'écriture. Eclipsée de la mémoire des hommes, elle a vécu dans l'ombre du poète : "His shadow made her blacker than she was, his shadow could eclipse her entirely" (Black Venus 12). Dans l'ombre de "Daddy," elle est comme l'astre féminin, en éclipse : "on such a night, you could say the moon was black."

Par un effet de glissement synesthésique, le jeu du clair/obscur renvoie à celui du silence et de la voix. "Black Venus," comme un tableau, respecte un "mutisme têtu, masque de gravité solennelle et interdite qui dissimule si mal une incurable aphasie, une surdité de pierre (20), ce silence commun à l'art pictural et scriptural dont Socrate parlait déjà.

Mutisme et surdité de terre, aussi, car cette "Vénus" revêt la noirceur mortifère d'une divinité chthonienne, celle de la Proserpine de "Sed non satiata" (partiellement cité ailleurs dans le texte). Elle a reçu la semence infertile du poète, pharmakon (ambivalent par essence) porteur de vie et de mort. Il est d'une part le parfum exotique baume enchanteur inspiré par l'odeur de sa peau :

His agonised romanticism [...], [his] lively imagination perform an alchemical alteration on the healthy tang of her sweat. (Black Venus 19)

Mais le pharmakon véhicule d'autre part une odeur de corruption, de décomposition qu'apporte le poison de la syphilis - "the veritable, the authentic, the true baudelairian syphilis" (Black Venus 23) -. Parfum de mort, donc silence de mort, puisqu'ainsi s'achève la nouvelle.

Table rase (ou page noire), le texte offre une infinité de lectures possibles. On ne sait (presque) rien de Jeanne Duval, elle n'était (presque) rien, emblème de l'Ombre, de la Chose (freudienne). Elle est donc tout pour le texte, à nous d'y retrouver la trace de possibles cheminement, comme dans toutes ces oeuvres qui, silencieusement, sans se cacher, sans se montrer, font signe.

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20. Derrida. 156.

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BIBLIOGRAPHIE

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Blanchot, Maurice. L'espace littéraire. Paris : Gallimard, 1985.
   - Le livre à venir. Paris : Gallimard, 1959.
   - L'entretien infini. Paris : Gallimard, 1969.
Byatt, Antonia Susan. Possession : a romance. London : Chatto & Windus, 1990.
Carter, Angela. Black Venus. London : Picador Pan Books, 1986.
Charlier, Catherine. Figures du féminin : lecture d'Emmanuel Lévinas. Paris : La nuit surveillée, 1982.
Derrida, Jacques. La dissémination. Paris : Seuil, 1972.
- L'écriture et la différence. Paris : Seuil, 1967.
Fitzgerald, Penelope. The Beginning of Spring. London : Flamingo, 1989.
Hamon, Philippe. "Texte et idéologie." Poétique 49, février 1982. 105-125.
Heidegger, Martin. L'acheminement vers la parole. Paris : Gallimard, 1976.
Irigaray, Luce. Speculum: de l'autre femme. Paris : Minuit, 1974.
Iser, Wolfgang. L'acte de lecture: théorie de l'effet esthétique. Bruxelles : Pierre Mardaga, 1976.
Kristeva, Julia. Polylogue. Paris : Seuil, 1977.
Makward, Christiane. "Structures du silence/du délire." Poétique 35, 1978. 314-324.
Montrelay, Michèle. L'ombre et le nom : sur la féminité. Paris : Minuit, 1977.
Olsen, Tillie. Silences. London : Virago, 1985.
Rich, Adrienne. On lies, Secrets, and Silence : selected prose 1966-78. London : Virago, 1980.
Van den Heuvel, Pierre. Parole mot silence : pour une poétique de l'énonciation. Paris : Corti, 1985.
Winterson, Jeanette. Sexing the Cherry. London : Vintage, 1990.

 (réf.  Etudes Britanniques Contemporaines n° 0. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1992)